vendredi 19 décembre 2014

Préface.

    Il y a quelques années, en cherchant “tout” ce qui pouvait se rapporter à Thirimont, j'ai découvert, par le plus grand des hasards, un ouvrage relatant un procès de sorcellerie s'étant passé en 1618 et dans lequel des habitants de Thirimont se trouvaient impliqués.

Chateau de Reinhardstein.
 Annales de l'Institut archéologique du Luxembourg, publié en 1904

J'ai pris contact avec l'Institut Archéologique du Luxembourg, à Arlon, et grâce à l'amabilité de la bibliothécaire, ce livre m'a été prêté via la bibliothèque de Limbourg.

J'ai trouvé ce livre si intéressant que je l'ai tout scanné (et passé à l'OCR) afin de pouvoir en profiter pleinement.

C'est donc avec beaucoup d'intérêt que j'ai réalisé ce “montage” afin que tout ceux qui seraient intéressés par ce qui s'est passé au début du 17° siècle puisse l'examiner, le corriger voir le compléter.
Je vous souhaite une bonne lecture, bien que les faits reportés donnent froid dans le dos !
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Très récemment j’ai appris par la presse que de nombreux villages, où ce sont passés (à la meme époque) des Procès de ce genre, souhaitent réexaminer les dossiers ne fusse que pour réhabiliter la mémoire de toutes ces personnes qui ont été condamnées injustement par l'obscurantisme de cette époque.


La RTBF:

1671. Marguerite Tiste est jugée pour sorcellerie. Elle est condamnée à être étranglée puis brûlée. Aujourd’hui, des citoyens lancent une pétition adressée aux autorités de la Ville de Mons. Ils demandent la réhabilitation de Marguerite.
Des procès pour sorcellerie, il y en a eu beaucoup en Europe pendant de nombreux siècles. Mais Marguerite Tiste est une des dernières personnes exécutées à Mons pour avoir eu des relations avec le diable. Elle a été étranglée et brûlée en 1671. Montois d'adoption, Charles Henneghien est photographe et auteur de nombreux ouvrages relatifs notamment à l’art, à l’histoire et aux traditions populaires. Il a été choqué par l'histoire de cette très jeune fille : "Elle avait 14 ans ou 16 ans… A cette époque on ne connaissait pas toujours précisément son âge. En lisant les minutes du procès, on se rend compte que c’est une pauvre fille, complétement paumée, dépassée par ce qui lui arrive et avouant n’importe quoi. Sa condamnation est un scandale incroyable".
Cette affaire est révélatrice de la manière de rendre la justice dans l’Ancien régime. Il suffisait d’un ragot, de propos rapportés, d’une tache bizarre sur la peau pour conduire quelqu’un au bûcher.
Les avocats sensés défendre la jeune fille n’y mettent pas beaucoup de conviction. Ils semblent eux-mêmes croire à ces histories de relations avec le diable. Mais plus de trois siècles après les faits, pourquoi ressortir ce dossier en particulier, et surtout pourquoi demander une réhabilitation auprès des autorités communales? Charles Henneghien s’inspire de ce qui a été réalisé récemment ailleurs en Europe et en Belgique : "A Cologne, la municipalité a entrepris une procédure de révision d’un procès de sorcellerie et à Nieuport, il y a eu une cérémonie de réhabilitation. Il y a dans l’Hôtel de Ville une plaque qui rend hommage aux victimes des procès de sorcellerie. Il ne s'agit pas d'une démarche juridique mais bine symbolique".
Les initiateurs de la pétition font aussi remarquer qu’encore de nos jours, il arrive que l’on envoie en prison des innocents sur base de ragots. Dans certaines cultures, des gens croient encore beaucoup à la sorcellerie et aux envoûtements. On pense par exemple aux enfants sorciers en Afrique.
Que cette pétition aboutisse ou pas, elle aura au moins le mérite de nous en apprendre un peu plus sur le passé de notre région, même s’il n’est pas particulièrement glorieux.

La Libre Belgique:

L’affaire est ultra-sérieuse : l’Allemagne s’apprête à réexaminer un procès de sorcellerie - vieux de quatre siècles. A vrai dire, la prétendue sorcière jadis brûlée vive sur le bûcher - Katharina Henot - jouit à présent de la protection de nombreux dévots parmi lesquels Hartmut Hegeler, un pasteur évangélique et professeur de religion originaire de la ville de Cologne.
Victime célèbre de la chasse aux sorcières des XVIe et XVIIe siècles, Katharina Henot était aussi la première femme "receveur de poste" allemande. A la tête du bureau de service postal de la ville, la jeune femme aurait vraisemblablement été la victime d’un jeu politique - mortel - orchestré d’une main de maître par ses principaux rivaux et détracteurs.

"J’enseignais les procès de sorcellerie aux élèves de ma classe lorsque mes étudiants m’ont demandé si le jugement contre Henrot n’avait jamais été annulé. Et la réponse était non, évidemment", explique Hartmut Hegeler. "Katharina était une personnalité très influente à Cologne à l’époque. Elle était même entrée en conflit avec la cour impériale allemande - avec le comte von Leonhard II Taxis précisément - qui voulait créer un bureau de poste central. Par ailleurs, elle avait une haute opinion d’elle-même : elle aurait apprécié que la vérité soit rétablie."
A présent, le Conseil de la ville de Cologne, dont les prédécesseurs avaient condamné la jeune femme à une mort violente, réexamine les preuves. Arrêtée, torturée et traînée derrière un chariot en guise de trophée avant d’être cordée à un poteau et brûlée vive, Katharina Henot est morte le 17 mai 1627.

Elle ne fut pas un cas isolé. Bien avant sa naissance - vers 1326 - le pape Jean XXII rédige la bulle Super Illius Specula, qui définit la sorcellerie comme une hérésie. Suite à la publication de cet ouvrage débute un mouvement d’arrestations systématiques dans toute l’Europe. Principalement en Allemagne, en Suisse et en France, mais également en Espagne et en Italie.
Entre 1500 et 1782, 25 000 Allemands - principalement des femmes mais également des enfants - ont ainsi été exécutés pour "sorcellerie et magie noire". En réalité, beaucoup d’entre eux furent les victimes de vengeances personnelles. D’autres furent désignés responsables de catastrophes naturelles ou étaient tout simplement marginaux.
Parmi les cas les plus infâmes, l’Allemagne retient souvent l’expédition sanglante d’Oberkirchen en 1630 où, durant trois mois, 56 personnes furent torturées et exécutées dans des conditions innommables, dont deux enfants âgés d’à peine une dizaine d’années.
A présent, dans de nombreuses villes et de nombreux villages allemands, se multiplient les demandes de réhabilitation et "les tentatives d’apporter une forme tardive de justice".

...Cela va t-il donner des idées à Waimes?.... 


Situation historique 

Les Pays-Bas Espagnols :

Scission des Pays-Bas méridionaux et septentrionaux.
Les Pays-Bas espagnols.
L'appellation Pays-Bas méridionaux ou Pays-Bas du Sud, ou encore Pays-Bas catholiques était utilisée pour désigner les territoires qui forment aujourd'hui la Belgique (à l'exception de la Principauté de Liège), le Luxembourg et le Nord-Pas-de-Calais, resté sous domination espagnole après la sécession des Provinces-Unies (Pays-Bas actuels) en 1581 .
    * Initialement, les différentes principautés ont été unifiés par les ducs de Bourgogne, par héritage ou acquisition : ce sont les Dix-sept Provinces des Pays-Bas bourguignons;
    * En 1581, par l'Acte de La Haye, les 7 provinces du nord font sécession et forment les Provinces-Unies;
    * Les 10 provinces du sud restent sous le contrôle des Habsbourg et constituent donc les Pays-Bas méridionaux ; deux États s'y succèderont :
        
  • les Pays-Bas espagnols
  • les Pays-Bas autrichiens.

Un État catholique. 
En 1581, les provinces pour la plupart protestantes et néerlandophones, situées au nord et au centre des Pays-Bas espagnols firent abjuration du roi (espagnol) et constituèrent les Provinces-Unies. Quelques provinces catholiques restèrent fidèles à la couronne d'Espagne dans l'Union d'Arras ; les autres furent reconquises par l'armée royale.
Henri Pirenne souligne que toute la période espagnole puis autrichienne est marquée par la Contre-Réforme catholique qui mobilise les ordres religieux, notamment les Jésuites et dont on estime le nombre à près de 3% de la population globale au XVIIe siècle. Les Jésuites et les Capucins divisèrent la province belge en une province de Flandre et une province de Wallonie, soulignant la dualité culturelle et ethnique du pays qui, dans leurs diverses activités (religieuses et caritatives), les obligea à des approches différentes en fonction d'espaces et de populations différenciés[réf. nécessaire].
Johan Huizinga dira : « (Les Pays-Bas méridionaux) formaient un État et une nationalité mais, pendant deux siècles et demi, il leur a manqué ce qui forme un État et une nationalité à part entière : la liberté. »

Un État satellite 

Les Pays-Bas du Sud ne furent plus qu'un État satellite d'un empire plus vaste, dirigé depuis Madrid par les Habsbourg. Après Philippe II, plus aucun souverain ne viendra dans le pays jusqu'à Joseph II en 1781. Les Pays-Bas du Sud allaient alors proclamer leur indépendance (ce sont les États-Belgiques-Unis)...

Le 12 juillet 1611, l'archiduc Albert, à qui on a confié, avec son épouse Isabelle, le gouvernement des anciens Pays-Bas espagnols, promulgue à Bruxelles l’Édit perpétuel, fruit des travaux d'une commission de magistrats et de légistes chargés d’unifier le droit applicable sur ces territoires depuis le droit romain. L’Édit Perpétuel est à l’origine du premier code de lois belge.

En 1648 la séparation des Pays-Bas fut consolidée par les traités de Westphalie (voir Annexes). 
Le Sud restait sous la domination espagnole mais perdit quelques provinces:

    * en 1659, le comté d'Artois devient français, par le traité des Pyrénées
    * en 1678, une partie de la Flandre (Saint-Omer, Cassel, Bailleul, Ypres), par le traité de Nimègue, conséquence de la bataille de la Peene, à Noordpeene, le 11 avril 1677.

En 1713, les Pays-Bas espagnols deviennent les Pays-Bas autrichiens par le traité d'Utrecht.
Pays-Bas méridionaux en 1786 (en orange)

La Principauté de Liège


Période des princes de Bavière 

Les XVIe et XVIIe siècles seront éprouvants pour la Principauté, car elle subit de plein fouet la scission des Pays-Bas espagnols ainsi que les guerres de Louis XIV.

Liege: Palais episcopal 1649
Sur le plan intérieur, la vie politique est dominée par l'opposition entre le parti populaire (les Grignoux, fervents défenseurs de la démocratie) et le parti aristocratique (les Chiroux, partisans du prince). 
Des journées d'émeutes eurent notamment lieu en 1636, lors d'une tentative de coup de force des Chiroux, et en 1646, quand des rumeurs annoncent que les Chiroux vont truquer les élections grâce à l'intervention des troupes espagnols.

Les émeutes se transformèrent en révolte. En 1647, les Grignoux remportent les élections et interdisent l'entrée à Liège du prince-évêque Ferdinand de Bavière (qui était à Visé accompagné de troupes allemandes). Celui-ci transfère le siège du gouvernement à Huy et, aidé par son neveu Maximilien-Henri, entreprend la reconquête de la Cité.

Liège est bombardée le 12 août 1649 (l'hôtel de ville sera brûlé) et capitule le 29 août. Le 19 septembre, le prince entre dans Liège accompagné de 2 000 cavaliers et de 1 000 fantassins[1] et suspend la plupart des droits politiques. Le système électoral est également revu à la faveur du prince, qui aura alors tous pouvoirs.

Il faudra attendre le début de la Révolution liégeoise le 18 août 1789 pour que le Règlement de 1684 soit aboli, par un prince-évêque ramené prisonnier du château 

Ferdinand de Bavière  

Liege, Ferdinand de Bavière
Il est né en 1577 à Munich et est mort en 1650 à Arnsberg.

Quatrième fils de Guillaume V, duc de Bavière, comte palatin du Rhin et de Renée de Lorraine. Neveu d'Ernest de Bavière. Coadjuteur en 1595 de son oncle. Cumula les évêchés de Munster, de Hildesheim et de Paderborn. 
Il est aussi à la tête de l'abbaye de Stavelot. 
Comme ses prédécesseurs, il ne reçut jamais les ordres. 
Il fut prince-Électeur archevêque de Cologne de 1612 à 1650.

En 1613, il supprime les valeurs démocratiques instaurées par son prédécesseur en 1603. Les personnes nées dans le pays, mariées et sachant lire sont les seules à pouvoir faire partie du conseil communal. 
Le choix du conseiller fourni par chaque métier est du ressort des commissaires de l'évêque. Celui-ci est seul compétent pour connaître des irrégularités aux élections communales.
Ceci a pour conséquence la formation du parti conservateur (bourgeoisie), partisan de l'Espagne et du parti démocratique ou populaire (artisans, petit peuple), partisan de la France, appelés respectivement Chiroux et Grignoux, entre 1633 et 1649.
En 1616, il ordonne qu'il n'y ait dans chaque paroisse qu'une école publique.
En 1618, il interdit à tous les éditeurs de publier un livre sans qu'il ne soit lu et accepté par l'évêché.

En 1623, Gérard Douffet devient le peintre du prince-évêque.

En 1632, les hollandais s'emparent de Maastricht, et y proclament la liberté de conscience. Cela a pour effet de développer le protestantisme à Liège.

A partir de 1633, les Chiroux, partisans du pouvoir princier s'opposeront aux Grignoux, le parti populaire.
En 1636, un premier coup de force des partisans du Prince se déroule : ils sont repoussés par les Grignoux.
Cette même année, le bourgmestre La Ruelle demande à Richelieu le soutien de la France.
Il sera mystérieusement assassiné l'année suivante au domicile du comte de Warfusée, rue Saint-Jean-en-Isle.

Liege en 1650

En 1641, un mandement interdit de se réclamer des Chiroux ou des Grignoux.
Pourtant, en 1646 (les élections avaient conforté les Chiroux dans leur place dominante) un terrible affrontement entre les deux camps survint. Cet affrontement est suivi de la démission d'un des deux bourgmestres, Charles de Méan, au profit de Renard Jaymaert (Grignoux).

En 1649, une révolte éclate. le prince-évêque est en danger, il déplace son bureau temporairement à Huy. Les Grignoux créent la révolte, qui sera contrée par les armées Bavaroises.

A la fin de l'année, après que le prince-évêque a écrasé la révolte et soit rentré à Liège, il supprime les droits démocratiques des liégeois. Les métiers n'ont plus d'attribution politique, leurs biens sont confisqué au profit de la Cité.

Il mourut en 1650, un an plus tard.

La Principauté de Stavelot-Malmédy.


14 juillet 1598, à Stavelot. 
— Règlement de Ernest de Bavière relatif à l'administration de la justice et à la procédure, dans le pays de Stavelot.  Villers, Codex stabuleto-malmuncUirius, p. 976.

15 juillet 1598, à Malmédy. 
— Édit de Ernest de Bavière qui enjoint de publier de nouveau les ordonnances antérieures touchant les hérétiques, les sectaires et les blasphémateurs.
Villers, Codex stabulelo-malmundarius, p. 578.

15 juillet 1598, à Malmédy. 
— Édit de Ernest de Bavière qui commine des peines sévères contre ceux qui attentent à la réputation des autres, en proférant contre eux des paroles injurieuses ou en'leur imputant des faits d'un caractère odieux.
Villers, Codex stabuleto-malmundarius, p. 975.

18 février 16O5, à Liège.
—Mandement de Ernest de Bavière qui ordonne la poursuite et l'arrestation des sorciers, ainsi que des vagabonds qui se livrent à toutes sortes d'excès pendant la nuit, dans la principauté de Stavelot et le comté de Logne.
Villers, Codex stabuleto-malmundarius, p. 579.

.. octobre 1618, à Bonn. 
— Règlement de Ferdinand relatif à l'administration de la justice dans la principauté de Stavelot et le comté de Logne.  Villers, Codex stabuleto-malmundafius, p. 97.

9 septembre 162O, à Bonis ('). — Mandement de Ferdinand relatif aux audiences et à la décision des causes du conseil provincial de Stavelot
 Villers, Codex stabuleto-malmundarius, p. 135.

13 mars 1621, à Bonn. — Règlement de Ferdinand touchant les matières de religion, les offices divins, les hérétiques et les blasphémateurs.
Villers, Codex stabuleto-malmwidarius, p. 1....

La guerre de 30 ans. 

 Est une suite de conflits armés qui ont déchiré l’Europe de 1618 à 1648.

Les combats se déroulent initialement et principalement dans les territoires d’Europe centrale dépendant du Saint-Empire romain germanique, mais impliquent la plupart des puissances européennes, à l’exception notable de l’Angleterre et de la Russie. Dans la seconde partie de la période, les combats se portent aussi en France, aux Pays-Bas, en Italie du nord, en Catalogne, etc. Pendant ces trente années, la guerre change progressivement de nature et d’objet : commencée en tant que conflit religieux, elle se termine en lutte politique entre la France et la Maison d’Autriche.

Catholiques contre protestants 

À la suite de la prédication de Martin Luther, la Réforme se répand rapidement. De nombreuses principautés allemandes adoptent le protestantisme ce qui divise l'Empire en deux camps opposés. La Contre-Réforme, dirigée par la maison de Habsbourg a pour ambition de regagner au catholicisme le terrain perdu.

La paix d'Augsbourg (1555) confirme les conclusions de la première diète de Spire et met fin aux combats entre catholiques et luthériens dans les États allemands. Elle stipule que :

    * les princes allemands (pour environ 360 d'entre eux) sont libres de choisir la confession (catholique ou luthérienne) de leurs territoires, selon leur conviction (« Cujus regio, ejus religio »);
    * les luthériens qui habitent dans des principautés ecclésiastiques (dépendant d'un évêque) peuvent conserver leur foi ;
    * les luthériens peuvent conserver les territoires conquis sur les catholiques depuis la paix de Passau en 1552 ;
    * les dignitaires de l'Église catholique (évêques et archevêques) qui se sont convertis au luthéranisme doivent abandonner leurs domaines (évêchés et archevêchés).

Les tensions politiques et économiques s'accroissent entre les puissances européennes au début du XVIIe siècle. L'Espagne s'intéresse aux affaires allemandes car Philippe III d'Espagne est un Habsbourg et possède des territoires bordant à l'ouest certains États allemands. Les deux branches de la famille des Habsbourg restent si étroitement liées que leur politique extérieure est commune. Le roi d'Espagne en est le chef véritable.

La France s'intéresse aussi aux affaires allemandes, car elle surveille avec méfiance son encerclement par les territoires soumis aux Habsbourg. Son action est ambiguë et louvoyante, car le cardinal de Richelieu n'hésite pas à soutenir ou à s'allier aux princes protestants pour contrer la maison d'Autriche, champion du catholicisme et de la chrétienté contre les Turcs pendant le même temps qu'il combat les protestants en France. La Suède et le Danemark s'intéressent aussi aux affaires de l'Allemagne du nord, dont les rivages bordent la mer Baltique, pour des raisons plutôt économiques mais non dénuées d'arrière-pensées politiques.

Les tensions religieuses se sont également accrues pendant la seconde moitié du XVIe siècle. La paix d'Augsbourg est mise à mal pendant cette période car des évêques convertis n'ont pas renoncé à leurs évêchés. Par ailleurs, le calvinisme se propage en Allemagne, ce qui ajoute une nouvelle confession. Les catholiques d'Europe orientale (Polonais, Autrichiens) souhaitent restaurer la primauté de la confession catholique.

Les traités de Westphalie du 24 octobre 1648


  Le jour du 24 octobre 1648, deux traités de paix volumineux furent signés dans la ville de Münster en Westphalie, qui mirent fin à la guerre de trente ans dans l'Europe centrale.
Le traité de paix conclu entre l'Empereur et la Suède, nommé Instrumentum Pacis Osnabrugensis (l'IPO), est divisé en dix-sept articles numérotés par chiffres romains. Il règle les différends entre les deux puissances contractantes, ainsi que des problèmes concernant la constitution intérieure du Saint Empire Romain. Le point essentiel de ce traité consiste à établir un nouveau statut religieux dans l'Empire (art. V et VII).
Le traité de paix conclu entre l'Empereur et la France, nommé Instrumentum Pacis Monasteriensis (l'IPM), comprend 120 paragraphes numérotés selon la division du texte consacrée aujourd'hui. Se référant souvent à l'IPO dont il déclare obligatoires les règlements, il résoud les questions qui regardent la France directement. Les clauses relatives à la cession des Trois Evêchés lotharingiens, de l'Alsace et du Sundgau en sont les parties les plus connues (§§ 69-91 IPM).

Traduction française téléchargeable disponible dans la page suivante:

Le Chateau de Reinhardstein.


Eiflia illustrata oder geographische und historische Beschreibung der Eifel. 
Band 2. Abt. 2.  (Johann Friedrich Schannat )
...
176. Reinhardstein. (pp. 228)

Schon in der 1. Abtbl. dieses II. Bd.

 S. 68 habe ich einige Nachrichten über Reinhardstein gegeben. Düssel's Manuskript setzt mich in den Stand, diese Nachrichten zu vervollständigen.

Reinhard, der Sohn Reinhardt von Weismes, baute auf dem Banne von Weismes, (Pfarrdorf und Hauptort einer Bürgermeisterei im Kreise Malmedv) eine Burg, nannte solche Reinhardstein, verließ die Burg seiner Väter zu Weismes, von welcher noch Spuren sichtbar sind und wählte jene zu seinem Wohnsitze. Reinhard starb 1354 und wurde zu Malmedy in der Kirche St. Quirin begraben, in welcher sich sein Denkmal mit der Inschrift: 

a.  M.C.C.C. LIIII nona Mensis maji obiit Reinardus, Rainardi quondam de Weymis f.e. ...befand.

Der Namen seiner Gattin ist unbekannt. 
Er hinterließ zwei Söhne: Winquin und Johann. 
Ersterer wurde 1358 von dem Abte von Stablo mit Reinhardstein belehnt und scheint unvermählt geblieben zu sein. 
Sein Bruder, Johann von Weismes, folgte ihm im Besitze von Reinhardstein und war noch 1388 am Leben. Aus seiner Ehe mit Maria, der Tochter Heinrich's von Bastogne, Herrn zu Vogelsang, hinterließ er nur eine einzige Tochter, Maria, welche Schloß und Herrschaft Reinhardstein mit der Erbmayer-Stelle zu Weismes ihrem Gemahle Johann von Zievel zubrachte. 
Dieser wurde 1430 von dem Abte zu Stablo und Malmedy, Johann von Goeuhaine, mit Reinhardstein belehnt. 

Ihre einzige Tochter, Agnes von Zievel, heirathete zuerst Johann von Brandscheid, genannt Gebürgen und als dieser 1470 starb, den Heinrich von Nesselrode, Herrn zu Weiler, Drossard zu Schönforst.

Katharina von Brandscheid, die älteste Tochter aus erster Ehe, erhielt Nein» yardstein und wurde die Gattin Adrian's von Nassau. 
Diesem folgte sein Sohn Heinrich von Nassau im Besitze von Reinhardstein. 
Da sein Sohn Johann aber seine Kinder hinterließ, so fiel Reinhardstein an dessen Schwester Anna. 
Diese war zuerst an Rolf von Vettelhofen, nach dessen Tode mit Wilhelm von Metternich vermählt. 
Nur aus der zweiten Ehe hatte sie eine Tochter, Anna von Metternich. 

Auch diese vermählte sich zweimal, zuerst mit dem Freiherrn Gotthard von Schwartzenberg, Jülichschen Oberhofmeister und nach dessen Tode mit Heinrich von Plettenberg, Kurtrierschen Rath und Amtmann zu Hillesheim. 
Weder aus der einen noch aus der andern Ehe hinterließ Anna Kinder. 
Deshalb machten nun die Nachkommen der Eva von Brandschcid, einer jüngeren Tochter Iohann's und der Agnes von Zievel und die Nachkommen Adrians von Nesselrode, der ein Sohn der Agnes von Zievel, aus deren zweiter Ehe war, Ansprüche auf Reinhardstein. 

Eva von Brandscheid hatte aus ihrer Ehe mit Reinhard von Fischenich eine Tochter Sophia hinterlassen. 
Diese vermählte sich mit Arnold von Wachtendonck, im Jahre 1496, am Tage Maria Empfängnis). 
In dieser Ehe wurden geboren:

1) Johann von Wachtendonck, der mit Francisca Quad von Buschfeld zeugte:
a) Arnold.
b) Reinhard, Domherrn zu Aachen.
c) Beatrix, mit Arnold Quad vermählt.

2) Reinhard von Wachtendonck, der aus seiner Ehe mit Anna von Nagel folgende zwei Töchter hinterließ:

Katharina, mit Diedrich von Metternich zu Burscheid vermählt, 
b) Anna.

3) Anna von Wachtendonck, welche die Gattin Gerhard's von Holtrop zu Volendorf und Mutter des Albert von Holtrop wurde.

Adrian von Nesselrode, Herr zu Weiler, hatte aus seiner Ehe mit Maria von Dobbelstein eine Tochter Agnes hinterlassen. Diese vermählte sich mit Weiner von Binsfeld und hinterließ einen Sohn und eine Tochter:

1. Cuno von Binsfeld, der mit Maria von Gertzen, folgende Kinder zeugte:

a) Johann von Binsfeld.
b) Wirich von Binsfeld.
c) Maria von Binsfeld mit Adam von Gymnich vermählt,
d) Elisabeth von Binsfeld, die Gattin Adam's von Harf in Drimborn.

2) Katharina von Binsfeld, vermählt mit Heinrich von der Horst in Mullinckhoven, dem sie folgende Kinder gebar:

a) Johann von der Horst.
b) Arnold von der Horst, Probst zu Paderborn.
c) Diedrich von der Horst, Archidiaeonus zu Trier.

Ueber die Ansprüche aller dieser Comvetenteu scheint ein Prozeßentstanden zu sein, durch welchen die Familie von Metternich in den Besitz von Reinhardstein kam, wahrscheinlich durch den Einfluß des Trierschen Kurfürsten Lothar von Metternich, 
(+1623) dessen Vater Johann von Metternich zu Vettelhoven, ein Bruter Wilhelm's von Metternich, Herrn von Reinharbstein war. In Humbracht's Stammtafel des Geschlechts von Metternich, Tafel 254, wird Franz Ferdinand, Graf von Metternich, Winneburg und Veilftein, der der Sohn eines Urenkels des Johann von Metternich zu Vettelhoven war, ausdrücklich Herr von Neinhardstein genannt, (siehe in diesem Werke den Artikel Metternich, Linie zu Vettelhoven). 

Des Grafen Franz Ferdinand von Metternich Urenkel, Franz Georg Carl, erster Fürst von Metternich, besaß Reinhardstein noch zu unfern Zeiten.

Das Schloß Reinhardstein hatte das Schicksal vieler andern Burgen und Schlösser in den Rhein-Provinzen. Es wurde an einen Herrn Allard zu Malmedy verkauft und abgebrochen und jetzt bezeichnen  nur noch wenige Trümmer die Stätte, wo es stand.

Auch Poulseur bei Reinhardstein, ebenfalls eine Besitzung der Herren von Reinhardstein, welche die Herren von Metternich besaßen und in ihrem Titel führten, ist verschwunden.



Institut Archéologique du Luxembourg, Arlon.
Imp. & Lith. V. Poncin, 1904

PROCÈS DE SORCELLERIE


CHAPITRE I


De tout temps, le pays de Stavelot fut, d'après les croyances populaires, le théâtre des maléfices du démon, et par suite la région favorite des sorciers. 
Dès la fondation des abbayes de Malmédy et de Stavelot     par Saint-Remacle, celui-ci avait du combattre l'influence du prince des ténèbres, qui était adoré sous les noms des Dieux du paganisme et qui fit même, pour se venger, tarir les sources de la première localité (651) .
On serait tenté de croire que sous la protection de ce Saint, ainsi que de ses treize premiers successeurs, lesquels portèrent la crosse abbatiale et furent également qualifiés Saints, le territoire eût été soustrait à l'influence du Diable. 
Il n'en fut pas ainsi. 
Les idées superstitieuses ne firent que croître et donnèrent naissance à de nombreux procès de sorcellerie. 
L'abbaye de Stavelot ne fut pas même indemne d'un cas de ce genre. En effet, en 1596, un religieux de ce monastère, Dom Jean Delvaux, fut, sur l'ordre de son Prieur, incarcéré comme sorcier. 
L'imagination de cet homme avait dû être frappée par la lecture des histoires fabuleuses de prétendus sorciers  
  Malheureusement pour lui, il vivait à une époque où le peuple croyait naïvement à des maléfices, commis sur les hommes et les animaux domestiques. 
En ce temps, dit Chapeaville, le nombre des sorciers était considérable dans le pays de Stavelot.
 Les informations judiciaires se multiplièrent principalement à partir de l'année 1619  car les poursuites étaient devenues légales, en ce sens qu'elles se basaient sur un texte comminant des peines. 
 De plus, la procédure était réglée par le souverain. 
En effect, la Caroline  prévoyait les cas de pactions faites avec le diable.

La justice criminelle dans l'ancien pays de Liége: d'après les manuscrits de Gossuart, Burdo, Delvaux, et d'autres documents, Par Jules Fréson, Publié par C.A. Desoer, 1889, 204 pages. (Chiroux Liege)

Voici ce que Stéphani  rapporte à ce sujet :

Nam si veneficae, lamiae et sagae, quae magicas artes et susurros exercent, cum diabolo pactum expressum, vel tacitum inierunt, apostasiam fecerunt, Deum abnegando, seque diabolo mancipando, e1, cmn spiritu immundo Sodomiam exercendo, tunc, etiamsi nemini nocuerunt, sive homines et bestias non occiderunt, nihilominus è medio tollendae, ignique tradendae et concremandae sunt.

(Car si des personnes se livrent aux sortilèges, si des sorciers mangent de la chair humaine, et si des magiciennes, qui professent des arts magiques et secrets, ont fait un pacte exprès ou tacite avec le diable, en reniant Dieu, en se consacrant au démon, et en se livrant avec l'esprit impur à la sodomie, qu'alors, quand même ils n'auraient point nui à autrui, ni causé la mort à un homme ou à une bête, ils soient arrêtés, et menés au bûcher pour être brûlés.)

La procédure avait été rendue applicable à la Principauté de Stavelot et au Comté de Logne par le Chapitre 9 art 10 des Ordonnances et réformations du Prince-Évêque de Liège, Ferdinand de Bavière, en date du 6 octobre 1618. 

Cet article était ainsi conçu :

« Et seront ès procédures, recharges, sentences, dépens, châtiment et exécution, observées les ordonnances criminelles de feu Son Altesse Sérénissime Ernest notre Oncle, et Prédécesseur » .

Les poursuites judiciaires du chef de magie devinrent nombreuses. Trois causes contribuèrent puissamment à les faire naître : d'abord, l'ignorance du peuple qui voyait des événements mystérieux, 1à où des faits pouvaient s'expliquer naturellement; l'idée d'un atavisme qui transmettait la qualité de sorcier d'un père ou d'une mère à des enfants et petits-enfants ; enfin, les insinuations des devineurs  qui, ne pouvant déterminer l'origine de certaines maladies, accusaient des personnes innocentes d'avoir jeté un mauvais sort sur des individus.
Le croirait-on ?  
Cinquante-six ou cinquante-sept malheureux, tant hommes que femmes, furent brûlés comme convaincus de sorcellerie. 
Ces exécutions cruelles excitent l'indignation de l'historien Villers, car il dit : « Mais tirons le rideau sur ces scènes d'horreur qui doivent faire gémir l'humanité de ce que l'ignorance des temps a rendu tant de personnes les victimes innocentes d'un prétendu crime dont elles n'étaient nullement coupables ; tirons, dis-je, le rideau sur les exécutions de prétendus crimes, dont le souvenir ne peut dans le siècle éclairé où nous sommes qu'affliger sensiblement tout homme en état de réfléchir, et passons à d'autres objets dont la mémoire au contraire doit encore aujourd'hui nous être précieuse  ».

CHAPITRE II.


Nous allons rapporter en substance plusieurs procès, qui furent entamés au mois d'août 1679 et ne se terminèrent qu'en juillet suivant. 
Nous tâcherons de mettre un peu d'ordre dans les faits qui leur servent de base ; car s'il fallait suivre par le menu chaque déposition, la plus grande confusion régnerait dans la matière. Nous nous en tiendrons aux circonstances les plus saillantes. 
Disons d'abord qu'environ cinquante témoins furent entendus tant à Weismes, Malmédy, etc., qu'à Stavelot. 

C'est principalement dans la première commune que résidaient les prétendus sorciers.

Une série de témoins dénonçait une foule de gens, comme famés de sorcellerie. 
L'accusation se produisait par groupes, selon les rapports qu'avaient pu avoir certaines personnes avec d'autres.
Les témoins, dont les dires étaient inspirés, soit par un sentiment de vengeance, soit par des idées superstitieuses, étaient les suivants : 

1° Jean Adam Lamby, âgé de 70 ans, de Remontval 
2° Jean Huby, âgé de 58 ans, de Weismes ; 
3° Anne le Ceusse, veuve Godefroid Lamby, âgée de 68 ans, de Weismes ; 
4° Marguerite -Mortus Close, veuve Jean le Tixhon, âgée de 68 ans, de Weismes ; 
5° Adam Lamby, âgé de 70 ans, d'Odenval ; 
6° Marie Jean-Thomas Marquet, épouse Jean Remacle, âgée de 55 ans, d'Odenval
7° Querin Quaré, âgé de 53 ans, d'Odenval ; 
8° Pirette, fille de feu Jean Alard, âgée de 20 ans, d'Ovifaz
9° Magdeleine-Jean des Fossez, épouse Hubert Grosjean, âgée de 40 ans, de la Robiville
10° Léonard Pacquay, âgé de 66 ans, de Thirimont
11° Catherine Bastin, veuve Léonard Feschire, âgée de 66 ans, des Faignoux
12° Gillette-Jean-'I'homas Marquet, veuve Jean Pacquay, née à Odenval, âgée de 70 ans, 
demeurant aux Faignoux
13° Jean Simon âgé de 50 ans, manant des Breyres
14° Jean Léonard Pirotte, âgé de 38 ans, de Walqz
15° Jean Hubert de sur la Heid, âgé de 40 ans, manant d'Outrewarche 
16° Anne Colla Thomas le Maire, épouse Jean Michel Piette, âgée d'environ 44 ans, de Geusaine 
17° Isabeau Bodarwé, épouse Adam Jean Lamby, demeurant à Faimonville (ban de Buchembach)  
18° Servais Thyse Estienne, âgé de 33 ans, de Faimonville ; 
19° Catherine Colla Thomas le Maire, veuve Jean-Henri Grosjean, née au village de la Rue, 
âgée de 37 ans, demeurant à la Robiville ; 
20° Marie Querin Jean, âgée de 23 ans, d'Ovifaz ;
21° Maroie Arens hans, veuve Jean-Jaspar Pacquay, âgée de 77 ans, de Mirefels; 
22° Jehenne Mangay, veuve Jean Pacquay, âgée de 47 ans, de Stembach ; 
23° Querin des Fossez, àgé de 38 ans, d'Ovifaz ; 
24e Marie Servais, épouse Querin Jean, âgée de 56 ans, d'Ovifaz ; 
25° Jehenne fille de Léonard Nelys, âgée de 28 ans, d'Ovifaz ; 
26° Jean Loffet, âgé de 48 aus, d'Ovifaz ; 
27° Catherine Jacquemot Grosjean, veuve Jacquemot le Jouly, âgée de 42 ans, de la Robiville ;
28° Adam des Fossez, àgé de 48 ans, de la Robiville ; 
29° Catherine-Thomas-Jean Estienne, veuve Daniel Doudé, née à Ovifaz, âgée d'environ 65 ans, demeurant à Andrifosse ; 
30° Jean Thyse, âgé de 60 ans, d'Ovifaz ; et 
31° Anne Nelys, veuve Henri Grosjean, âgée de 78 ans, de la Robiville.

Les personnes suspectées, ou accusées de sorcellerie, étaient les suivantes : 

1° Marie Pacquay Colla, épouse Léonard Houra, de Remontval ; 
2° Jehenne-Léonard Wansart, veuve Jaspar Winand, de Weismes ; 
3° Marie le Dosquet, épouse Jaspar des Vaux, des Faignoux ; 
4° Barbe, épouse Thomas Henry, d'Odenval ; 
5° Marie Samray, épouse Adam le vieux  Renard, d'Odenval ; 
6° Jehenne Thomas le Marquis, épouse Jean Colla Noël de Stembach ; 
7° Anne Pierre le Damsea, épouse Léonard Marquet, d'Odenval ; 
8° la veuve Colla Ruffin, demeurant chez Léonard Lamby, à Thirimont ; 
9° Jehenne Samray, veuve Jean Wansart de Remontval ; 
10°Jehenne-Léonard Louys, épouse Jean des Fisez ; 
11° Catherine Remacle, veuve Thomas Marquet, d'Odenval ; 
12° Catherine le vieux Renard, épouse Querin Servais ; 
13° Anne Martin, épouse Christophe-Jean Estienne, d'Ovifaz ; 
14° Jehenne Jean le Maire, épouse Rasquin de la Robiville ; 
15° Marguerite Servais, épouse Servais Gillet, née à la Robiville, demeurant à Weismes; 
16° Estienne Jean le Maire, le vieux, de la Robiville; 
17° Jehenne Gillet, veuve Léonard le meunier d'Andrifosse ; 
18° Lucie, veuve Léonard le Chat, d'Outrewarche ; 
19° Catherine Marquet, veuve Léonard-Jean Piette, de la Champaigne ;
20° Roynne de la Fourire, épouse Godefroid de la Forge, demeurant à la Robiville ; 
21° Anne le bosquet, du village des Breyres ; 
22° Marie Marquet, épouse Léonard Loffet , de la Champaigne ; 
23° Anne des Cortils, veuve Estienne Michiel, de la Champaigne ; 
24° Isabeau des Fossez, d'Ovifaz, demeurant sur le Thier de Buchembach ; 
25° Catherine Jean le Maire, épouse Jacob Feschire, d'Ovifaz ; 
26° Hubert Grosjean, de la Robiville ; 
27° Jehenne, fille de Léonard de la Fourire, âgée de 20 ans, d'Ovifaz ;
28° Catherine le Chat, épouse Myse Martin, d'Ovifaz.


CHAPITRE III


C'est devant la Cour de Weismes (composée des échevins de Bodarwé, Jouly, Nocent, du Thier et Haack), que se dérouleront, pendant plusieurs mois, les procès de sorcellerie. 
Bien certainement, la justice de Weismes ne mettra pas en prévention toutes les personnes qu'on accuse de magie ; car, pour la plupart, les dépositions des témoins ne rapportent que des on dit. 
Elle ne retiendra à la cause que les inculpés contre lesquels on articulera, sous serment, des faits ayant un certain caractère de précision.
Avant d'entamer l'analyse des procès intentés, il convient d'élaguer les détails qui n'ont point mérité l'attention de la justice. 
Les indices en résultant ne constituaient que de simples conjectures. 
C'est le cas en ce qui concerne.

A. - Estienne Jean le Maire, le vieux, de la Robiville (23 août 1679). 


Le sieur Hubert Grosjean de la Robiville, conte à la Cour de Weismes avoir ouï dire par des Allemands que ledit Estienne Jean le Maire était tombé, à une date qui remonte à. 15 ou 16 ans, d'un nuage au village de Wirtzfelt (mayerie de Bolenge). 

Le témoin désirait, comme ami, questionner Estienne à ce sujet. 
Il se transporta au domicile de celui-ci et lui dit qu'il avait appris une chose qui le peinait. 
Estienne l'engageait à parler mais la maitresse du logis ne quittait pas les deux hommes. 
A la fin, elle se retira dans la chambre voisine avec l'intention d'écouter la conversation. « Comme, dit le témoin, j'hésitais à prendre la parole, Estienne me demanda : prétend-t-on, que je suis un loug-garou, ou macqueray, ou tombé d'une nuée ?»
- Vous le dites, répondis-je. 
- Aussitôt, la femme sortit de la chambre et se mit à vociférer contre moi. Mème, elle me mit immédiatement à la porte. 
Adam des Fossez, dont j'ai épousé la soeur, m'a conseillé de ne plus fréquenter l'habitation d'Estienne, et celui-ci n'a plus fait la moindre allusion au sujet de notre conversation. 

- Le témoin Adam des Fossez, âgé de 48 ans, de la Robiville, a aussi entendu dire qu'Estienne Jean le Maire, le vieux, de la même localité, est tombé d'une nuée au ban de Buchembach. - (26 septembre). 
Anne Nelys, veuve de Henri Grosjean, âgée de 78 ans, de la Robiville, fait la déposition suivante :« on dit qu'Estienne Jean le Maire est tombé d'une nuée à Buchembach. 
Il était coiffé d'un petit chapeau, et ses vêtements étaient maculés de boue ».

B. - Anne des Cortils, veuve Estienne Michiel de la Champaigne. -(23 août 1679). 
Catherine Léonard Nelys, épouse Jean Piette, du village de la Champaigne, rapporte ce qui suit :« Comme j'étais, il y a quatre ans, sur le point d'accoucher, les femmes de la localité avaient été mandées pour me prêter assistance. 
On voulait aussi aller quérir Marie Marquet, épouse Léonard Loffet, mais les autres refusèrent son concours, parce qu'elle n'avait pas bon nom. 
Même, on ne la laissa entrer qu'après ma délivrance. 
Après l'accouchement, je devins malade. Les souffrances commencèrent aux jambes, puis envahirent le restant du corps. 
J'avais la tête gastée. On consulta à ce sujet les Pères Capucins, qui me firent remettre des grains bénis. Ce remède me procura un peu de soulagement. 
Après, on appela Jean de Goronne , lequel avait la réputation d'avoir guéri des malades d'Ovifaz. 
Quand je lui eus exposé comment l'indisposition m'était survenue, il me dit qu'Anne des Cortils, veuve Estienne Michiel, m'avait soufflé sur les pieds. 
Effectivement, je me rappelai que, lorsque je tenais le lit, cette
femme m'avait remué les pieds avec quelques linges.  
Comme je questionnais Jean Gillet sur le motif d'un tel acte de méchanceté, (car je n'avais donné aucun sujet de plainte à Anne), il me répondit : «  c’est par envie ! »

Marguerite, épouse Thomas des Cortils, sa belle-fille, lui aura donné ce conseil en revenant des danses de sorcières. Ayant épuisé leur pouvoir sur les bêtes, toutes deux s'en prennent aux gens ! 
Gillet disait la vérité; car nos vaches, nos génisses, nos veaux et nos moutons étaient tombés malades. J'ai dû faire bénir de nouveau nos étables, et depuis lors, nous n'avons plus ressenti de dommage ».

C. - Marie Marquet, épouse Léonard Loffet, de la Champaigne. 
Comme on vient de le lire dans la déposition qui précède, cette femme était réputée sorcière, et c'est pour ce motif qu'on avait refusé ses soins, lors de la délivrance de Catherine Léonard Nelys, épouse Piette.

D.- Catherine Jean le Maire, épouse Jacob Feschire. - (23 août 1679). 
Catherine Thomas Jean Estienne, veuve Daniel Doudé, âgée d'environ 65 ans, d'Ovifaz, demeurant à Andrifosse, avait révélé à Adam des Fossez, qu'étant malade près de la maison Feschire d' Ovifaz, elle avait refusé un potage, ou une bouillie, que l'épouse Feschire lui apportait, et cela à cause du mauvais nom de cette femme, ainsi que de la crainte qu'elle lui inspirait. 
- (22 septembre). 
La même veuve Daniel Doudé rapporte un fait qui lui a été conté par feu Jean Alard d'Ovifaz. 
Comme la femme de celui-ci était souffrante, l'épouse Feschire avait voulu lui offrir des fléons, « mais, disait-il, je l'ai expulsée de mon logis, en la qualifiant de sorcière, et en menaçant de lui faire son droit ». 
Le témoin tient aussi de sa soeur, Jehenne, épouse Myse Gilson d'Ovifaz, que, pendant qu'une vache était malade et qu'on faisait une neuvaine pour obtenir sa guérison, la dite épouse Feschire se présenta pour apporter du lait; et qu'immédiatement après sa sortie, la bête donna des signes de fureur et mourut de suite. « Moi aussi, ajoute le témoin, j'étais malade dans le fournil d'Anne Servais d'Ovifaz, et l'épouse Feschire était venue pour m'offrir un  torteau. Mais on refusa de lui ouvrir la porte. 

- Jehenne Thomas, épouse Myse Gilson, âgée de 50 ans, d'Audrifosse, raconte à son tour l'histoire de la vache malade. " A une époque qui remonte à onze ou douze ans, dit-elle, une de mes vaches était malade. 
On faisait une neuvaine depuis huit jours, et la bête allait mieux. Catherine Jean le Maire épouse Jacob Feschire, vint un jour, à la soirée, m'apporter un peu de beurre, et aussitôt la vache redevint plus malade. 
Elle donnait furieusement de la tète contre la terre. Le lendemain, elle succombait. 
Comme j'avais révélé ce fait à Jean Alard, celuici me confia à son tour quc la même Catherine s'était  présentée à plusieurs reprises, du jour et même une certaine nuit, sous divers prétextes, la plupart mensongers, soit pour demander du beurre au nom de Mayne, soit pour offrir des fléons à sa femme, malade; mais qu'il l'avait expulsée de sa demeure. « J'ai cru, d'après ces circonstances, ajoute le témoin, que l'épouse Feschire était sorcière et qu'elle avait occasionnè la mort de ma vache. »

E. - Isabeau des Fossez, née à Ovifaz, demeurant depuis deux ans à Buchembach. 
Le sieur Querin dépose que cette femme venait, presque tous les quinze jours, en sa demeure. Quand il fut malade, les visites devinrent plus fréquentes. 
Elles se renouvelaient tous les quatre, ou cinq jours. 
Querin était alors couché devant le  foyer de la cuisine. 
Cette femme apportait sa quenouille pour filer.
Elle lui demandait s'il était guéri et comment il avait recouvré la santé. "Mais, ajoute-t-il, le lendemain de chaque visite je ressentais de nouvelles douleurs. J'en ai conclu que cette voisine en était la cause."

- Le témoin a appris de Jean Thies, neveu par alliance de la prévenue, que, lorsqu'il était sur le point de contracter mariage, la mêôme Isabeau lui avait frappé sur l'épaule, en disant :« tu te maries donc ?» Or, à l'église, pendant la cérémonie, Jean Thies ressentit une espèce de frénésie dans la tête, et peu s'en fallut qu'il n'épousât pas sa femme Toutefois, le mariage fut célébré. Il en résulta néanmoins que le jeune homme fut tout gasté, et perdit l'esprit pendant six mois.

F. -Jehenne Thomas le marquis, épouse Jean Colla Noël de Stembach. 
  - (27 septembre 1679). 
Jean Huby, âgé de 58 ans, demeurant à

 Wiesmes, dit que depuis cinq ou six semaines, on désigne Jehenne Thomas le marquis, épouse Jean Colla Noël, comme sorcière. 
Voici à quel sujet :« Le sieur Henri Samray, (qui est mort depuis cinq ou six jours), s'était trouvé dans la maison de Jean Colla : la femme de celui-ci, Jehenne, l'interpella dans les termes suivants « tu ne m'as rien donné pour des joyaux ou des épinqles !» En même temps, elle le frappa de la main sur une épaule. 
Or, cet homme devint malade, et succomba à l'indisposition qui le minait ».

G. - Jehenne Samray, veuve Jean Wansart, de Remontval. - (27 septembre 1679). 
- Jean-Adam Lamby, âgé de 70 ans, demeurant à Remontval, tient de son fils Adam, qui a épousé la fille de Jean de Bodarwé, que Jehenne Samray, veuve Wansart, a jeté un mauvais sort sur son mariage, et qu'il n'aura pas de progéniture.  Jean Gillet de Goronne lui a confirmé le fait. 
Comme Adam, fils du témoin, avait été envoyé, une dizaine de mois auparavant, chez ledit Jean Gillet, pour le consulter au sujet de son beau-frère Jean, fils de Jean de Bodarwé. 
Gillet se serait écrié :« voilà l'antenne du diable, elle veut détruire ses amis !»

-(28 septembre). Marie Jean Thomas Marquet, épouse Jean Remacle, âgée de 55 ans, d'Odenval, dit que les membres de la famille Lamby, ayant fait consulter Jean de Goronne, au sujet du fils, Adam, qui a épousé la fille de Jean de Bodarwé, ont appris du devineur, que le mauvais sort qui lui avait été jeté, provenait de Jehenne Samray, veuve Wansart. 

- (30 septembre). Jean Gillet de Goronne, demeurant dans le pays de Salm, raconte qu'il a été consulté par Adam, fils de Jean Lamby, à l'époque de son mariage, qui remonte à quatre ans. 
Le témoin Gillet a expliqué qu'un mauvais sort avait été jeté sur lui, et qu'il devait faire célébrer trois messes successivement un vendredi à l’honneur de Dieu notre Sauveur , du Saint Esprit  et de laVierge Marie, pour qu'il leur plût de dénouer le sortilège. 
La tante du dit Adam, (qu'on n'a pas désignée au témoin), doit avoir déclaré au futur époux qu'il n'aurait jamais de postérité de sa femme. 
Le même Adam fils vint chercher le témoin vers la fête de Noël de 1678. C'était pour guérir Jean, fils de Jean Henri de Bodarwé, son beau-frère, qui se trouvait dans le même cas. Gillet prescrivit le même remède. 
Il avoue avoir dit que les maladies de ce genre provenaient de maléfices ; mais il n'a cité personne comme étant l'auteur de tels actes. 


- (3 octobre). Anne Colla Thomas le Maire, âgée (le 44 à -15 ans, épouse Jean-Michel Piette, demeurant à Geusaine, a entendu dire qu’ont soupçonnait Jehenne Samray, veuve Wansart, de Remontval, et Marie Huby, épouse Jean le Cocq le jeune, de Stembach, d'avoir jeté le mauvais sort dont il vient d'être parlé. 
On accusait particulièrement la première d'avoir commis ce maléfice sur Jean, fils de Jean Henri Bodarwé, récemment marié.

- (17 octobre). Servais Thyse Estienne, âgé de 33 ans, manant de Faimonville, raconte qu'on impute a Jehenne Samray, veuve Wansart, la mort des chevaux de Jean Lamby. 
On a dit au témoin que Jean-Adam Lamby avait consulté Jean de Goronne au sujet de la maladie des dits chevaux, lesquels sont morts peu de temps après. 
On prétend aussi que le fils Adam Lamby a eu recours au même devineur, au sujet du mauvais sort jeté sur son mariage. 

- Isabeau Bodarwé, épouse Adam-Jean Lamby fils, de Faimonville  (ban de Buchembach), est aussi entendue comme témoin. « Il y a quatre ans, dit-elle, mon mari Adam Lamby rencontra, chez mon beau-père, le sieur Jean Gillet de Goronne.
Celui-ci a dépeint Jehenne Samray, notre tante, comme n'étant pas bonne et accusa celle-ci d'avoir jeté un mauvais sort sur mon mari. 
Toutefois, celui-ci a été guéri de son infirmité grâce à trois messes, célébrées par trois vendredis. 
Quinze jours avant mon mariage, ladite Jehenne, qui était mécontente de ce que je voulais épouser Adam, m'aborda pour me dire que, si je contractais cette union, je passerais de mauvais jours chez le père de mon fiancé et que je n'aurais jamais trois enfants. 
Mon mari est allé, vers la fête dernière de Noël, quérir Jean de Goronne pour qu'il traitàt mon frère Jean, récemment marié et malade. 
Ledit Jean de Goronne a encore attribué le cas d'un mauvais sort à ma tante Jehenne Samray  

Comme nous l'avons dit au commencement du présent chapitre, les magistrats de Weismes, quoique imbus des idées superstitieuses de l'époque, ne donnèrent aucune suite aux chefs d'inculpation que nous venons d'énumérer. 
Mais si la cour de Weismes, s'est montrée sage et prudente sous ce rapport, il n'en sera pas ainsi quant aux faits qui seront exposés dans les chapitres suivants.

CHAPITRE IV.


Une femme jouera un rôle important dans un procès particulier. 
C'est, Jehenne Lallemand, dite Jehenne Jean le Maire épouse Rasquin, âgée de 57 ans, domiciliée à la Robiville. 
Malheureusement pour elle, sa grand'mère a été brûlée comme sorcière. 
Sa tante, Anne-Jean le Maire, qui vivait encore, avait été arrêtée jadis, comme inculpée de sorcellerie ; mais elle avait eu la chance d'être relachée grâce a une insuffisance de preuves.
Cette femme Rasquin n'avait pas, au point de vue des moeurs, une réputation sans tache. Elle en subira les conséquences. 
A défaut de charges du chef de magie, elle sera poursuivie sous la prévention de délit d'adultère. 


Voyons ce que les témoins révèlent.

- (22 août 1670) Servais, fils de Querin Jean, àgé de 25 ans, d'Ovifaz, a entendu attribuer, par la veuve Jacquemot le Jouly de la Robiville, la mort de son mari à un fait de sortilège de la part de Jehenne Jean le Maire, épouse Rasquin.
- Jehenne, fille de Léonard Nelys, âgée de 28 ans, d'Ovifaz, a appris la même chose par le dire des gens du village. 

- Jean Loffet, âgé de 48 ans, d'Ovifaz, a eu une conversation avec Jacquemot le Jouly. Celui-ci disait qu'il était ensorcelé par l'épouse Rasquin. Ce Jacquemot, dit le témoin, fut malade pendant trois ans. Il sécha avant de  mourir.

- (23 août) Adam des Fossez, âgé de 48 ans, de la Robiville, rapporte que la rumeur publique accuse l'épouse Rasquin et Hubert Grosjean, d'avoir jeté un mauvais sort sur Jacquemot de la Robiville, lequel a langui pendant trois ou quatre années avant de rendre le dernier soupir.  

- Catherine Jacquemot Grosjean, veuve Jacquemot le Jouly, âgée de 42 ans, de la Robiville, raconte que depuis 12 ans, on signalait Jehenne Jean le Maire, épouse Rasquin, comme vouée au diable. 
Elle ajoute que pendant tout le cours du mois qui vient de s'écouler on ne parle que de gens ensorcelés, à Ovifaz. «  Quand mon mari fut malade, dit-elle, on alla consulter Jean de Goronne. 
Celui-ci accusa sans hésiter, l'épouse Rasquin d'avoir occasionné le dépérissement de mon mari.
Il désigna même la maison de la magicienne. 
A une époque qui remonte à trois ou quatre ans, la dite Jehenne prit la liberté de passer par un cortil aux herbes, là où il n'y avait pas de sentier. 
Une de mes vaches, qui paissait dans ce pré, tomba à l'instant malade, et mourut peu de temps après. Naturellement, ces circonstances m'ont inspiré un mauvais soupçon sur cette femme » .   

- A son tour, Catherine Léonard Nelys, épouse Jean Piette, du village de la Champaigne, dépose avoir entendu dire que l'épouse Rasquin avait causé In maladie mortelle du sieur Jacquemot le Jouly. 

- (22 septembre). Catherine Thomas Jean Estienne, veuve Daniel Doudé, âgée d'environ 65 ans, née à Ovifaz, demeurant à Andrifosse, révèle un autre fait. 
Elle raconte que Jehenne était allée avec son mari Rasquin dans la maison de Jean Thys à Ovifaz, pour payer le prix d'une bête à cornes, et que la cuisine ainsi que la chambre furent remplies de mauvaises haleines.   

- Jean Thys, âgé de 60 ans, demeurant à Ovifaz, va nous renseigner plus exactement sur cette dernière circonstance. « Feu Jean Alard d'Ovifaz, dit-il, m'avait conté que lorsque Jehenne Jean le Maire, épouse Rasquin, était allée avec son mari payer le prix d'un boeuf, immédiatement après leur sortie, les vaches ne donnèrent plus autant de lait. 
Même plus, les récipients qui contenaient le lait se couvraient de vermine, et il était impossible de faire du bon beurre. 

Cet état. de choses dura plus d'un an, et il fallut, pour y remédier, faire emploi de grains bénis par les Capucins ».     

- Un autre témoin, Anne Nelys, veuve Henri Grosjean, âgée de 78 ans, de la Robiville, révèle un autre prétendu acte de sorcellerie. « Un jour, dit-elle, pendant que mon cheval paissait sur un champ, l'épouse Rasquin passa à proximité. 
A l'instant, la bête tomba malade ; et peu de temps après, elle mourait. »    

- Enfin, d'autres témoins faisaient entendre qu'il existait des relations coupables entre l'épouse Rasquin et le sieur Hubert Grosjean, connu sous le sobriquet le petit Hubert.

- Par suite des insinuations qui venaient de se produire, la Cour de Weismes était amenée à rechercher quels pouvaient être les rapports entre Grosjean et l'épouse Rasquin. 

- (21 septembre). Anne Nelys, veuve Henri Grosjean, entendue à nouveau, rapporte que lorsque son neveu Hubert Grosjean, alors marié en premières noces à Jehenne Cuxnel, revenait du domicile Rasquin, il la battait. Jehenne Cuxnel soupçonnait déjà son mari d'avoir un commerce illicite avec la femme Rasquin. 
Le témoin ajoute : « J'étais allée, après la. mort d'Alard Servais de la Robiville, veiller avec d'autres personnes le cadavre. Hubert Grosjean était présent. 
A un certain moment, il s'écria en pleurant :" Ce qui-me fait le plus de peine, c'est qu'Alard se soit donné au diable pour enrichir ses enfants ». 
Ces propos avaient été interprétés par le témoin comme un aveu de Grosjean d'être initié aux secrets du démon.

- Le 30 septembre, la Cour de Weismes, composée des échevins Bodarwé, Jouly, du Thier et Haack, continue ses investigations. 
Elle va être fixée sur la nature du pouvoir magique exercé par l'épouse Rasquin sur Hubert Grosjean. 
– Jean Gillet, âgé de 60 ans, de Goronne, fait les dépositions suivantes : « Il y a trois mois, dit-il, Hubert Grosjean, autrement dit le petit Hubert, de la Robiville, vint me consulter au sujet de son jeune garçon, qui était malade et sauvage. 
Il me conta qu'ayant connu en son veuvage, une femme mariée, il ne pouvait s'en détacher ; et cependant, il était lui-mème engagé depuis lors dans des liens matrimoniaux. 
Il me demanda, par la même occasion, un remède pour mettre fin à cet entraînement. 
A son tour, l'épouse Grosjean eut aussi, un mois après, recours à mon art, pour son garçon qui était toujours malade. 
Je lui demandai si son mari fréquentait encore la maison de sa commère.. 
- Oui, répondit-elle, et il ruine mon ménage, car à chaque instant, il y porte toutes sortes de choses. 
Mais je n'ose lui adresser des observations à ce sujet, car il me tuerait. 

- Moi, Gillet, je me transportai chez Hubert Grosjean. 
Le petit Hubert avait promis de me donner un demi patacon, comme prix de mes services. 
Je m'étais muni d'un remède pour couper court à son inclination insensée. 
Le remède consistait en un coeur d'anguille, que le patient devait avaler, avant de se coucher, et en buvant de l'eau ou de la bière. 
J'avais dit à celui-ci que, si le remède n'agissait pas, ce serait par suite d'un enchantement. 
La curiosité m'engagea à aller voir la femme Rasquin.
Comme Grosjean m'avait désigné la maison de celle-ci, je me dirigeai vers cette demeure, qui était bâtie à main droite du grand chemin. 
J'y vis une grande femme, maigre, pâle de figure et ayant un long col. 
Elle paraissait âgée d'environ 60 ans. 
Un petit vieux, au visage coloré, se trouvait là. 
Je demandai du feu pour allumer ma pipe. comme la nuit allait arriver, la femme me questionna pour savoir d'où je venais et à quel endroit Je logerais. 
Je répondis que j'arrivais de Katterbert et que je passerais la nuit chez le petit Hubert. 

- Ainsi, vous le connaissez ? demanda-t-elle. 
- Oui, repris-je, et alors je l'interrogeai pour savoir si Hubert hantait souvent sa maison. Elle me conta que ses visites étaient fréquentes, en ajoutant :
c'est mon voisin, il vient ici passer le temps ». 
-Quand je regagnai, à la soirée, le logis de Hubert, je dis à celui-ci :« Je ne vous comprends pas ; cette femme n'est pas avenante, et la vôtre est beaucoup plus belle! » 
Il me répondit :«Que voulez-vous! Tenez, si vous n'étiez pas venu aujourd’hui, je serais allé chez cette femme après avoir déchargé le foin de ma charrette,. Le lendemain, l'épouse m'accompagna jusqu'à Malmédy. 
En cheminant, elle se plaignait de son mari, disant encore qu'il ruinerait son ménage. 
Elle m'avait conté que lorsqu'on avait abattu chez elle une génisse qui avait eu une fracture à une jambe, le plus beau morceau de la viande avait été offert à l'épouse Rasquin. 
Deux livres de lard avaient disparu d'un balcon et avaient eu la même destination. Hubert disait avoir prêté de l'argent à cette femme, et montrait parfois de la monnaie, pour faire accroire que celle-ci lui avait été remise à titre de remboursement. 
L'épouse Grosjean répétait qu'elle n'osait adresser à son mari la moindre récrimination sur sa conduite.

La Cour entend comme témoin Magdeleine-Jean des Fossez, épouse Hubert Grosjean, âgée de 40 -ans, de la Robiville. 
Cette femme dit qu'elle a contracté mariage avec Grosjean à une date qui remonte à 13 ou 14 ans. Déjà au commencement de son union, on lui avait dit qu'il avait des relations avec Jehenne Jean le Maire, femme Rasquin du dit lieu ; mais elle ne remarquait que des conversations banales. " Je suis allée, ajoute-t-elle, consulter Jean Gillet de Goronne sur la maladie de mon garçon. 
Il m'a remis comme remède, de petits pois blancs, en prétendant que le mal provenait d'un acte de sorcellerie. Mais il ne désignait pas l'auteur. 
Mon enfant est resté néanmoins malade ; et n'est pas encore rétabli. 
Cet été, Jean Gillet, vint chez moi. 
Il me disait que mon mari lui avait avoué sa passion pour la voisine, et que, malgré sa résolution de rompre, il restait toujours sous l'empire de l'enchantement que celle-ci exerçait sur lui. Jean de Goronne lui avait donné un remède pour le détacher; mais ce remède fut inopérant. 
Comme je disais avoir remarqué que mon mari se rendait moins souvent chez l'enchanteresse, Gillet tenta de me persuader que Grosjean cherchait à détourner l'attention publique, qui aurait été mise en éveil par une rupture tout-à-fait complète.

- Le 23 août 1679, Hubert Grosjean avait été interrogé, ou plutôt entendu comme témoin par la Cour de Weismes. Il avait eu soin de ne point parler de ses relations avec l'épouse Rasquin. Sa déposition ne roulait que sur un incident relatif aux charges relevées contre Estienne Jean le Maire, le vieux, de la Robiville.

- Le 17 octobre, la Cour fut édifiée avec certitude sur le commerce adultérin qui existait entre Grosjean et la femme Rasquin. 
Grosjean fit des aveux complets, sur lesquels nous nous tairons. 
Il raconta qu'il était allé, pendant l'été dernier, trouver Jean de Goronne, pour que celui-ci brisât le charme qui l'attirait chez une femme mariée et oublieuse de ses devoirs. « Jean me répondit, ajoute-t-il, qu'il devait se transporter en la demeure de Jehenne, pour couper passaige. Jean fit en effet le dit voyage, et revint en ma demeure pour percevoir son salaire, qui s'élevait du chef de soins donnés, tant à mon fils qu'à ma personne, à plus de quatre patacons. 
Quoique Jean m'eût affirmé avoir coupé passaige, je constatai que c'était un leurre. »

Hubert Grosjean témoigne un grand repentir devant la Cour. 
Il verse des larmes et demande mercy ou, pardon à Dieu, à Son Altesse Illustrissime, aux Officiers de celle-ci, enfin à la Justice. 
Il promet de faire pénitence, de s'amender, et de se conduire dans l'avenir avec la grâce de Dieu, de manière, à ne plus donner scandale, ni sujet à une plainte. 
Il supplie Son Altesse Illustrissime, les Officiers et la Justice d’avoir compassion de lui, et d'employer la clémence de préférence à la rigueur, p

our qu'il puisse pourvoir à la subsistance de sa femme et de ses enfants.

Le surlendemain, Grosjean présentait 'avec l'assistance du procureur Mayer, une très humble requête à la Cour pour solliciter son pardon.
La procédure fut communiquée, aux fins de recharges, à la Haute Cour de Malmédy. Celle-ci ordonna, le 21 octobre, à la Cour de Weismes, sa subalterne, de déclarer les officiers poursuivants, bien fondés à arrêter Jehanne Jean le Maire, épouse Rasquin, de la Robiville, pour le procès être fait à icelle, pieds liés. 
Le même jour, elle autorisa, vu l'humble  requête de Grosjean, et par forme de recharges, la Cour de Weismes a délivrer copie de l'enquète relative au délit d'adultère, le tout à la condition de fournir par Grosjean une caution idoine, et de purger pour son tantième les frais de ladite enquête.
Le même jour, 21 octobre, la Cour de Weismes rendi des décrets, tout-à-fait conformes aux prescriptions de la Haute Cour. 
Seulement, elle fixait un délai de huit jours, en déans lequel Grosjean devait payer sa quote part des frais.
L'arrestation de l'épouse Rasquin fut opérée dans la journée, et la prévenue, incarcérée dans un cachot du château de Renarstein. 

Le sieur d'Aisomont, officier haultain, Mayeur-Lieutenant de Weismes, poursuivait celle-ci des chefs de sorcellerie et d'adultère.
Voyons maintenant comment la Cour procédera à l'interrogatoire. 
Elle est composée du Mayeur-Lieutenant, et des Echevins Bodarwé, Jouly, Nocent, du Thier, Haack. 

Le 23, l'inculpée est amenée auit libre et prète serment de dire la vérité. Questionnée sur son identité et ses antécédents, elle dit en substance :« Je suis âgée de 57 ans, et mariée depuis environ 25 ans à Rasquin. 
Mon père avait fait, opposition à cette union, mais il avait du y consentir, parce que j'allais devenir mère. 
Je me rappelle que lorsque j'avais dix ans, à l'époque où on brûlait des sorcières en ce pays, ma grand'mère fut appréhendée au corps et livrée au bûcher. 
On avait aussi arrêté, du chef de sortilège, ma tante Anne Jean le Maire, qui réside encore à la Robiville. Mais elle fut relâchée, par suite du défaut de preuves. 
J'ai eu, dans ma jeunesse, des relations avec feu Henri Grosjean de la Robiville. 
Plus lard, je devins la maîtresse de Hubert Grosjean, même pendant que celui-ci était engagé dans les liens du mariage. 
Il me remettait de petites sommes d'argent. 
C'est la misère qui me faisait oublier mes devoirs. »

- Elle professe la religion catholique, apostolique et romaine. 

Elle récite devant la Cour le Pater, l'Ave Maria, le Credo et les dix commandements de Dieu. « Je me suis confessée et j'ai communié, dit-elle, trois ou quatre fois pendant l'année, notamment à l'époque pascale et aux jours de solennité. 
J'ai encore accompli ce devoir, naguère, le jour de la fête de Saint-François. 
C'était au Chapelain de Salm et aux Pères Capucins de Malmédy, que j'allais faire l'aveu de mes fautes. 

- Je sais qu'on me diffame et qu'on me qualifie de sorcière ; mais je n'ai ensorcelé ni gens, ni bètes. 
Jamais, je ne suis entrée dans une habitation où se trouvaient des malades (gens ou bêtes), sans y être appelée. 
On me soupçonne d'avoir occasionné une maladie à Jacquemot le Jouly ; mais je proclame hautement mon innocence.
Interpellée sur le point de savoir si elle désire être assistée d'un Procureur d'office pour sa défense, elle répond qu'elle ne peut faire choix d'un conseil, parce qu'elle est indigente.

- Le lendemain 24, nouvel interrogatoire. La malheureuse, qui redoute probablement la torture, modifie un peu son système de dénégation. 
D'abord, elle récite encore de mémoire le Pater, l'Ave Maria, le Credo, et les dix commandements de Dieu. 
Malgré de pressantes questions, elle nie être sorcière: « Peut-être, dit-elle, le suis-je devenue, par suite de mon inconduite. Je me rappelle qu'une certaine nuit, il y a de cela 20 ans, pendant que j'étais couchée dans le lit de la servante, un chien, qui n'estoit ny blanc, ny rouge, vint japper devant le lit. 
Je me retournai d'un autre côté, en faisant un signe de croix et l'animal disparut de suite, sans faire de bruit. 

Jamais, je n'ai causé de mal, (maladie ou la morte) par maléfice à des personnes ou à des bêtes. Du moins, je n'en ai pas souvenance. 


Je nie aussi avoir assisté aux Sabbats avec des sorciers et sorcières. Je n'en ai pas conservé le souvenir.


 - Je suis résolue à subir la mort pour mes péchés. Je demande pardon et miséricorde à Dieu, à Son Altesse mon Prince, à ses officiers et justiciers, enfin à tous ceux que je pourrais avoir offensés. « Elle signe très lisiblement son interrogatoire : Jehenne Jehan Lallemand, espouse Rasquin.

- Le Procureur requiert immédiatement qu'il soit ordonné à l'Officier de la Cour de Weismes de livrer la prisonnière à l'Officier de la Haute Cour de Malmédy, pour qu'on procède, comme d'usage, à l'instruction du procès. 
Le mayeur de Weismes déclare faire siennes ces conclusions. 
Le même jour, 24, entre deux et trois heures de relevée, les ministres de justice emmènent du château de Renarstein l'inculpée, et la livrent, aux confins de la Mayerie de Weismes, en lieu dit Agister, au Seigneur Officier de la Haute-Cour de Malmédy. 
Les sergents de celui-ci la conduisent ensuite à Malmédy.
- Un autre décret de recharges fut encore rendu, le 6 novembre, par la Cour entière, (composée de celles de Malmédy et de Weismes) . 
L'ins tance devait être poursuivie par le seigneur Rahier, Officier-Haultain de Stavelot et Malmédy avec l'adjonction de l'officier de Weismes.

- Le lendemain, 7 novembre, on continua d'indaguer.

- Quel fut le résultat de cette instruction? Nous n'avons pu découvrir aucun renseignement à ce sujet. Ce qui est certain, c'est qu'aucune preuve de sortilège ne fut acquise à l'encontre de la malheureuse prisonnière. Restait l'inculpation d'adultère. Mais, comme Hubert Grosjean, qui était aussi coupable que sa maîtresse, fut laissé en liberté, nous aimons à croire que la justice aura fait preuve de clémence. Au surplus, cet épisode d'adultère ne rentre pas dans le cadre des procès de sorcellerie, dont nous nous occupons.

CHAPITRE V.

Nous allons maintenant aborder l'examen de procès plus importants. Nous commencerons par relui qui fut intenté à Anne Martin, épouse Christophe Jean Estienne d'Ovifaz.
Voici ce qui résulte de l'information:

- (22 août 1679). Jean Loffet, âgé de 48 ans, d'Ovifaz, rapporte :« Un soir, en mon absence, pendant que j'étais allé à Aix, Anne Martin vint dans mon étable, lorsque mes domestiques abreuvaient mes bêtes. 
Elle arracha quelques poils des sourcils d'un veau, disant qu'il se porterait mieux. 
A mon retour, je constatai que le veau était malade. Il paraissait ivre. 

Ayant appris ce qui s'était passé, j'envoyai chercher des grains bénis et je les administrai au veau, qui fut guéri. 
Cette circonstance et les révélations qui furent faites par la famille Querin me donnèrent la conviction qu'Anne Martin était sorcière. 

- (23 août) Adam des Fossez, âgé de 48 ans, de la Robiville, a entendu dire, depuis un certain temps qu'Anne Martin était sorcière, et qu'à raison de cette qualité, son mari ne partageait plus sa couche. La désunion régnait dans le ménage. 

- Catherine Léonard Nelys, épouse Jean Piette, du village de la Champaigne, a ouï dire qu'Anne Martin avait un mauvais nom, et qu'elle avait gasté les gens Querin Jean d'Ovifaz.

- (26 septembre). Jean Thyse, âgé de 60 ans, d'Ovifaz, a appris de son gendre, Querin des Fossez qu'ayant été envoyé par Querin Jean d'Ovifaz, alors malade, pour consulter Jean de Goronne, celui-ci avait dit que ledit Querin Jean avait été ensorcelé par une femme, demeurant dans la première maison, en montant à main droite, à partir de l'habitation du pré nommé Querin Jean. 
Or, cette demeure était habitée par Anne Martin et son mari Christophe Jean Estienne. 

- Marie Thyse, fille de Jean, âgée de 20 ans, d'Ovifaz, a su par la rumeur publique qu'Anne Martin était réputée sorcière, et qu'elle avait ensorcelé Servais, fils de Querin Jean dudit lieu. Querin des Fossez, beau-frère du témoin fut envoyé chez Jean de Goronne et reçut de celui-ci l'assurance que la maladie de Servais provenait d'un acte de sorcellerie. 

- Anne Nelys, veuve Henri Grosjean âgée de 78 ans, de la Robiville, rapporte qu'en la commune Anne Martin est famée comme sorcière. « Cette femme, dit le témoin, se rend chez les gens et près des bêtes, malades et ensorcelés, sous le prétexte de leur procurer la guérison. 
Elle applique des emplâtres aux oreilles des bêtes, et l'état de celles-ci empire aussitôt.,,


- (2 octobre) Jean Léonard Pirotte, âgé de 38 ans, de Walqz, dépose : « Les Querin Jean Servais sont allés consulter le devineur Jean de Goronne, au sujet de leurs maladies ; et celui-ci en a attribué la cause à une sorcière, Anne Martin. »

- (3 octobre). Anne Colla Thomas le Maire, épouse Jean Michel Piette, âgée d'environ 45 ans, domiciliée à Geusaine, rend un témoignage identique.

- (17 octobre). Catherine Colla Thomas le Maire, veuve Jean Henri Grosjean, âgée de 37 ans, demeurant à la Robiville, corrobore les mêmes dires. 

- Marie Querin Jean, âgée de 23 ans d'Ovifaz, est plus explicite : « Depuis un an, dit-elle, on fame mal d'Anne Martin, épouse Christophe Jean Estienne d'Ovifaz: On la désigne comme sorcière. 
Il y a environ 12 ans, cette femme vint sans motif dans mon étable. 
Elle arracha quelques poils au-dessus des yeux d'un veau, prétendant qu'il viendrait mieux. 
A la sortie d'Anne Martin, le veau devint malade, et son état s'aggrava, à tel point qu'il mourut dans la huitaine. 
La dite Anne Martin avait aussi touché un autre veau. 
Celui-ci fut également, malade et resta chétif. 
Ces faits me suggérèrent des soupçons sur cette femme. 
Quand mon frère Servais fut gravement indisposé, elle venait continuellement chez lui, tandis que précédemment elle n'y mettait jamais les pieds. 
A la vérité, elle a l'habitude de se rendre ainsi dans les habitations, où il y a des gens ou bêtes malades. On alla consulter Jean de Goronne. 
Celui-ci expliqua que Servais était ensorcelé par une voisine, mais sans la dénommer. 
Toutefois, il ajouta que la sorcière serait la personne qui se présenterait la première, le lendemain au matin, en notre demeure. 
Or, Anne Martin entrait chez nous pour réclamer de la boisson.

- Enfin, pendant le cours de cette information, quelques témoins relataient des propos émanant d'Anne Martin et consistant en ceci « si on m'arrête du chef de sorcellerie, j'en accuserai d'autres ! »

- Telles sont les charges qui avaient été recueillies contre Anne Martin.

- Le 26 février 1680, le Souverain Officier Lieutenant de Weismes présente à la Cour dudit lieu le décret de recharge qu'il a obtenu le 19 du même mois de Messieurs de la Haute Cour de Malmédy contre Anne Martin épouse Christophe Jean Estienne, et requiert sommaire administration de justice. 
Le même jour, la Cour de Weismes rend une sentence, par laquelle il est enjoint à la prévenue de lever en déans les huit jours copie de ce dont elle est appesantie dans l'enquête, et de s'en purger dans le mois qui suivra le délivrement d'icelles copies, le tout en conformité des statuts du pays.

- Le 29 avril, la Cour de Weismes reprend l'information en cours contre Anne Martin. 
La recharge précitée avait mis celle-ci en demeure de s'expurger du crime de sorcellerie. Or, cette femme avait laissé écouler doublement le délai qui lui avait été accordé à ce sujet. 
En conséquence, une présomption était acquise contre elle, à savoir d'être coupable du crime qu'on lui imputait. 
La Cour après en avoir référé à la Haute Justice de Malmédy ordonne, conformément à l'avis de celle-ci, l'arrestation de la malheureuse, pour être fait son procès, à pieds liés. 
Le même jour, Anne Martin est capturée et incarcérée dans un cachot du chàteau de Renarstein.

- Le 4 mai, les Potestat et Mayeur de la Cour de Weismes dressent un article d'examen, d'après lequel l'inculpée sera questionnée; et la Cour procède de suite, au château de Renarstein, à l'interrogatoire.
Anne Martin prête le serment exigé par la loi, et expose les incidents de sa vie. 
Elle est àgée de 51, ou 52 ans. Son père se nommait Jean Martin, d'Ovifaz; et sa mère, Catherine Leduc de la Champaigne. 
Elle n'a point connu ses aïeux. Ses auteurs professaient, (de même qu'elle, avec la grâce de Dieu), la foi catholique, apostolique et romaine. 
Elle récite le Pater, l'Ave Maria et le Credo. Elle connaît, dit-elle, les dix commandements de Dieu. 
Quand on lui demande combien il y a de Dieu, elle répond : trois et trois personnes. 
On la questionne ensuite pour savoir qui s'est fait homme afin de racheter le genre humain, elle dit d'abord : Dieu le Père ; puis : le Saint-Esprit. 
Quoiqu'elle ait fréquenté l'école, elle ne sait ni lire, ni écrire. 
Elle a toujours fait ses Pâques à Weismes, et sait, quand on lui administre la communion, qu'elle reçoit le corps et le sang de Jésus-Christ. 
Elle ignore si ses parents ont été sorciers et s'ils ont commis des crimes. Sa vie a été assez accidentée. 
Elle a contracté trois mariages : en premier lieu avec Jean fils Cruts Myse de Virtsfelt. 
Elle a résidé avec lui à Sourbrout. Son second mari était Cruts Thies, de Kalthert. Puis, elle s'est unie, en troisièmes noces, à son mari moderne, Christophe Jean Estienne d'Ovifaz. 

Lors de son premier veuvage, elle a eu des relations coupables avec son mari actuel. 
Elle en eut une fille naturelle, nommée Catherine, qui maintenant est âgée de 20 ans. 
Un an après la naissance de cette fille, et toujours pendant le dit veuvage, elle fut la maîtresse de Jean de Seny, manant de Longfaye, homme marié. 
Elle fut enceinte de ses oeuvres, et donna le jour à un fils, qui actuellement est âgé de 17 ou 18 ans. Comme Jean de Seny l'avait laissée sans ressources, elle dut se livrer à la mendicité, pour nourrir son fils. 
Elle reconnait que partout on la proclame sorcière ; mais c'est, dit-elle, bien à tort. Elle n'a ensorcelé ni personne, ni bête. 
Elle nie avoir causé la maladie de Servais, fils de Querin Jean. 
Elle avoue être allée, un jour, chez Querin Jean d'Ovifaz, pour y faire emplir un pot de bière. 
Elle vit alors Servais, couché dans la cuisine, et lui demanda: « gist-tu toujours là ?» 
Comme la mère revenait de la cave avec le pot, elle but un peu du liquide et offrit à Servais de partager la boisson ; mais il refusa.

- Le 6 mai, la Cour de Weismes procède, dans la chambre des échevins, à un nouvel interrogatoire. Le procès-verbal est sans intérêt : nous y remarquons que l'inculpée a pu réciter exactement les dix commandements de Dieu, ceux de l'église, et des prières. Elle désigne de plus les trois personnes en Dieu. Elle persiste à nier avoir fait tort aux gens et aux bêtes. Enfin, elle prétend ne pas avoir tiré des poils sur la tète d'un animal.

- Le lendemain, 7, Haack senior requiert que la prévenue soit conduite au château de Stavelot, pour être soumise à la torture.

- Le 11 mai, l'inculpée, qui a été transférée audit château, subit un interrogatoire au libre devant les seigneurs de Noirfalise, Bodeux, Haack et Bellevaux, échevins de la Haute Justice de Malmédy, (joints à eux: Jean Henri de Bodarwé et Jean le Jouly, échevins de Weismes). Au récit sommaire des témoignages qui accusent l'inculpée d'avoir hanté la maison Querin Jean, celle du meunier d'Ovifaz, l'étable de Jean Loffet, de plus d'avoir fait mauvais ménage à Kathelbergh, ladite Anne Martin reconnaît être allée chercher de la bière pour son usage chez Querin, s'être rendue parfois au moulin d'Ovifaz, et être entrée dans l'étable de Loffet sur l'appel des enfants de celui-ci. « Jamais, ajoute-t-elle, mon mari n'a refusé de partager ma couche, sauf en été, pendant les chaleurs, lorsqu'on est tourmenté de puces. 
Elle dément encore le fait d'avoir arraché des poils sur la tête d'une bête. Enfin, elle désire ardemment être confrontée avec les témoins.
Le même jour, pendant l'après-dînée, le seigneur baron de Rahier, potestat et son Procureur d'office émettent, au château de Stavelot, l'avis que vu l'opiniatreté de la prisonnière de se mettre en contradiction avec la déposition de témoins, et attendu que les preuves acquises sont déja plus qu'à demi pleines, il y a lieu â application de la torture.  

- Le 13 mai, le Procureur d'office maintient énergiquement les conclusions précitées. II fait observer qu'en 1657, Jehenne Lelong Jaspar fut, lorsque les dépositions et les présomptions étaient moins convaincantes, condamnée à la question.

- Le 5 juin, la Haute Justice de Malmédy décide qu'on consultera des jurisconsultes, et ce, nonobstant l'opposition du Procureur d'office, lequel prétendait que des jurispérites s'étaient déjà prononcés sur le point en discussion.  

- Le 18, la Haute Cour de Malmédy, qui a reçu l'avis de jurisconsultes, ordonne qu'on confrontera, au château de Stavelot, l'inculpée avec les témoins.  

- Le 21, il est procédé à ce devoir d'instruction.
Servais Querin Jean prète serment et dépose comme suit : Anne Martin est venue deux fois, sur un jour, en ma demeure. 
La première fois, elle ne m'adressa pas la parole, parce que je sortais par la porte de la cuisine. Elle ne me parla point, non plus, quand je rentrai. 
Elle demandait si une femme, qui résidait dans notre fournil, consentirait à l'accompagner pour faire un pélerinage à St-Biernard. 
La seconde fois, elle priait ma mère d'emplir de bière un pot. 

Elle me questionna pour savoir comment je me portais. Je répondis :" bien !» Alors, après avoir bu un peu de bière, elle me tendit à deux reprises le pot, polir que j'en fisse autant. 
Mais je refusai son offre. Je n'ai conçu une mauvaise opinion de la prévenue qu'après la consultation de Jean Gillet de Goronne. 
Toutefois, celui-ci n'avait pas désigné nominativement les sorciers. 
Le lendemain, Anne revint chez moi ; et comme je me plaignais d'être malade, elle se montra joyeuse. 
Trois autres fois, pendant une semaine, elle me poursuivit jusque chez le meunier d'Ovifaz. 
Elle prévoyait probablement que Jean de Goronne avait parlé d'elle.   

- La prisonnière, interpellée sur cette déposition, dit : « Je ne me rappelle pas être allée à deux reprises chez le témoin ; mais cela est possible, car les femmes se hantaient en qualité de voisines. 
Même, j'avais déposé chez Querin des hardes et des meubles. La mère de Querin a bu dans un pintay à ma santé, et j'en ai fait autant à celle du témoin ; mais, celui-ci, qui était malade, refusa de me rendre cet honneur. - Servais répond qu'il n'a pas été fait usage d'un pintay.
Jenne Léonard Nelys a entendu dire par bruit commun qu'Anne Martin était réputée sorcière, principalement depuis qu'on est allé consulter Jean de Goronne. 
Avant cette consultation, la déposante n'avait jamais ouï dire que l'inculpée eût mauvais nom. On prétend qu'elle a ensorcelé Jean Alard et Servais Querin Jean. 

- La prisonnière affirme de son côté que toutes ces insinuations sont mensongères.
Jean Loffet d'Ovifaz a connu l'incident de la maladie de son veau par les déclarations de sa femme et de ses enfants. 
Comme le veau était souffrant, le témoin lui administra des grains bénis, ce qui procura la guérison. 
C'est à cause de la rumeur publique, qu'il a dirigé des soupçons sur Anne Martin. 
- Celle-ci, interpellée, ne se souvient pas d'avoir arraché (les poils au veau de Loffet. Si elle l'a fait, c'est sans malice.
Adam des Fossez, manant de la Robiville, dépose :« Un paysan m'a dit que quand Anne Martin habitait son village avec son mari, elle n'y portait pas bon nom et ne vivait pas en parfait accord avec son conjoint. 
Toutefois, il n'a pas fait mention de sortilège. 
Catherine Jean Stiene m'a conté tenir d'Anne Martin que si on l'appréhendait, elle accuserait d'autres personnes. » 

- Anne Martin, confrontée, dit :« J'ai toujours vécu en parfaite union avec mon mari. Il se peut qu'il soit survenu de petites querelles entre nous, au sujet des enfants.
Peut-être ai-je dit que si on m'arrètait, moi, femme de bien, on en appréhenderait d'autres !,,
Catherine Jean Stiene a appris par la rumeur publique qu'Anne Martin avait une mauvaise réputation. Mais c'est depuis qu'on est allé consulter des devineurs. 
La prévenue a déclaré que si on l'arrêtait, on en incarcerait d'autres.
- Anne Martin confirme cette dernière particularité.
Giele Jean Alard dépose qu'Anne Martin a  porté un mauvais nom depuis la consultation des devineurs.
Marie Querin confirme le témoignage de la personne qui précède. 
Elle ajoute :« l'inculpée est venue dans mon étable où se trouvaient deux veaux. 
Elle arracha quelques poils au-dessus des yeux de l'un d'eux. 
Celui-ci mourut, cinq ou six jours après. L'autre fut malade : il était couvert de vermine. 
Alors, j'ignorais la mauvaise réputation de cette femme. 
Je n'en ai eu connaissance qu'après la consultation de Jean Gillet de Goronne. 
J'ai remarqué que la prévenue se rendait dans les maisons, où il y avait des malades. 
Comme ma mère était indisposée, Anne Martin voulait la guérir. 
Mais ayant constaté que le mal empirait, je congédiai cette femme ».

- La prisonnière, interpellée, répond :« Je puis avoir arraché des poils à un veau, mais sans mauvaise intention. 

Quant à la mère du témoin, j'ai entrepris de la guérir et n'ai point réussi, parce qu'elle refusa de faire usage de mon remède. » 

- Malgré l'invraisemblance du fondement de l'accusation, le Procureur d'office requiert, le 22 juin, l'application de la prisonnière à la torture. 
Mais, le même jour, la Haute Cour de Malmédy, mieux inspirée et agissant plus sagement, rend le jugement suivant qui coupe court pour le moment à toute procédure :
« Messieurs de la Haulte Justice de Malmédy, vues les actes, déclarent Anne Martin d'Ovifaz présentement et par provision relaxable, comme ils la relaxent, parmi promettant par icelle de soy relivrer toties quoties, la condamnant néantmoins aux fraix soub taxe et modération . Ainsi conceu sur la halle à Malmédy, le 22 juin 1680, et prononcé le même jour. 
Présents : le senior Officier de Weismes, et Haack senior Procureur d'office ».
Cette sentence devint définitive, car Anne Martin ne fut plus inquiétée du chef de sorcellerie par la justice.

CHAPITRE VI.

Un autre procès plus intéressant, et d'un caractère plus émouvant, va maintenant se dérouler. C'est celui à charge de Marie Samray, de Faimonville, àgée de 77 ans, épouse d'Adam le vieux Renard, d'Odenval.
Examinons d'abord sur quelles preuves il se fondait :
-(27 septembre 1679). - Jean-Adam Lamby, âgé de 70 ans, demeurant à Remontval,

 dépose : mon frère Adam m'a conté qu'en revenant, à une époque qui remonte à six ou sept ans, d'un pélerinage avec Marie Samray épouse d'Adam le vieux Renard, et d'autres femmes, il avait eu l'aventure suivante. 
Comme il passait devant le bois Languebaum, il perdit tout-à-coup la vue. Il s'écria alors :« il y a des sorcières ici ! je suis ensorcelé !» Marie Samray lui conseilla d'aller...... 
Il suivit le conseil de celle-ci et recouvra à l'instant l'usage des yeux.

- (28 septembre). - Adam Lamby, àgé d'environ 70 ans, d'Odenval, donne des détails plus circonstanciés sur cette indisposition subite :« Il y a dix ans, dit-il, je revenais d'un pélerinage accompli au monastère de Grunevalt. 
Je voyageais avec Marie Samray, et Marie veuve du petit Melchior, d'Odenval. 
Quand nous arrivâmes au village d'Eltzemborn, nous nous arrêtâmes pour boire de la bière devant une maison où on célébrait des noces. 
Marie Samray reçut un broc et but la première ; puis, elle me tendit le pot. Après m'être désaltéré, je me remis à cheminer. 
Tout-à-coup, la tête me tourna, et se contracta vers une épaule. Je ne pouvais plus regarder derrière moi, tellement je ressentais

 de la douleur dans le côté. 
Je m'écriai : Qu'est-ce ceci ! Qui a fait cela ? 
Marie Samray me reprocha d'avoir perdu ma croyance et me conseilla d'aller me laver la figure dans un ruisseau, tout en disant : au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! 
Mais pendant cette opération, Marie Samray ...  en amont du cours d'eau. 
Elle riait et provoquait l'hilarité de l'autre femme qui nous accompagnait.

- (7 novembre)  - Marie Martin, épouse Jean Adam, de Longfaye, âgée de 60 ans, veuve du petit Melchior, d'Odenval, rapporte l'incident comme suit :« Il y a dix ans, je suis allée en pélerinage au monastère de Grunevalt, avec Adam Lamby, et Marie Samray, de Faimonville, épouse Adam le vieux Renard, d'Odenval. 
Mon but était d'obtenir la guérison d'un mal de tête, mal dont j'étais affligée. 
En revenant par Eltzemborn, Marie Mosset nous apporta, d'une maison dans laquelle on célébrait des noces, un pot de bière. 
Adam et Marie burent au broc, mais je ne sais qui se désaltéra en premier lieu.
En continuant à marcher hors de ce village, Adam s'écria : « Je ne sais quelle bière j'ai bue ? Je me porte fort mal ! Je n'en puis plus ! Je suis ensorcelé !» 
Marie Samray se moqua de lui, et dit :« Adam ! tu as perdu ta croyance ! Tantôt, nous arriverons près d'un ruisseau : tu t'y laveras, (ou lu boiras de l’eau), au nom du, Père, du Fils et du Saint-Esprit. » 
En passant près d'un ruisseau, entre EItzemborn et Nierhen, ils s'arrêtérent pendant, que je continuais à cheminer. 
Je ne sais ce qu'ils ont fait, car je n'ai pas dirigé le regard en arrière. 
Ils me rejoignirent, et une demi-heure après cet incident, Adam était bien portant. 
On n'a plus parlé de cet événement pendant notre trajet jusqu'à Odenval.

- (28 septembre 1679). - Querin Quaré, âgé de 53 ans, manant d'Odenval, a appris des époux Léonard Bastin, d'Odenval, (décédés depuis lors) : que leur fils Jaspar, était devenu, il y a 20 ans, fou et sauvage au point de courir dans les champs; qu'un second accès d'aliénation mentale lui était survenu ; et que la cause en fut attribuée à un sortilège de Marie Samray.

-Thomas Henry, âgé de 76 ans, demeurant à Odenval, raconte :" A une époque qui remonte à 50 ans, Marie Samray, épouse Adam le vieux Renard, vint dans la maison de mon père voir des bêtes que celui-ci voulait mettre en gage, comme sûreté du payement d'une dette dont il était débiteur envers Adam le vieux Renard. 
Ladite Marie dit en touchant une pièce de bétail :« Mon Dieu !.voilà une belle, jeune vache !» Deux ou trois jours après, la vache, qu'elle avait fait marcher à l'aide d'un objet quelconque tenu à la main, commença à trembler. Et au bout de sept ou huit jours, la bête mourait. 

- J'assistais à Stembach auc noces de Servais, fils de Quirin Servais. Je m'étais couché tout habillé avec le futur dans une chambre. Marie Samray vint nous dire qu'il fallait envoyer Jean Servais de Thirimont, frère du futur, à Malmédy, pour y acheter des épiceries. 
Elle souleva la couverture de notre lit et, versa sur moi une liqueur chaude, ressemblant à de la bière. 
Je mis la main sur la partie mouillée de mes vêtements et sur d'autres endroits du corps. 
Le lendemain, me trouvant dans la maison de mon père, il me sembla que tout tournait autour de moi. 
Je dus me mettre au lit. Je ressentais des douleurs lancinantes, pareilles à celles que produisent des coups de couteau. 
En même temps, j'éprouvais de violentes tranchées. 
Je m'écriai : Ah !mon Dieu !je n'en puis plus ! Et si je meurs, ce sera par le fait de Marie Samray ! Mes souffrances durèrent pendant six semaines. 
Mon père se transporta au couvent des Capucins à Malmédy, pour obtenir un remède à ma maladie. 
Les pères Capucins lui remirent des grains bénis, que j'absorbai, l'un après l'autre, pendant neuf jours, et alors, je fus guéri.

- (2 octobre). Gillette Jean Thomas Marquet d'Odenval, âgée de 70 ans, demeurant aux Faignoux, a reçu la confidence de Thomas Henry d'Odenval, du soupçon qu'il avait conçu contre Marie Samray, de Faimonville, épouse Adam le vieux Renard, de lui avoir occasionné sa maladie.

- (7 novembre). - Jehenne Mangay, veuve Jean Pacquay, âgée de 47 ans, demeurant à Stembach, fait la déposition suivante :« Il y a 18 ou 19 ans, lorsque je résidais avec ma mère dans un fournil près de l'habitation de mon frère Colla Mangay, à Odenval, je me disposais à cuire du pain dans le four d'Adam le vieux Renard. 
Marie Samray vint me trouver dans mon logement. 
C'était la veille de la dédicace de Weismes. Comme il y avait un petit trou dans mon cotillon qui était neuf, Marie frappa plusieurs fois de la main sur la déchirure, en disant :« C'est regrettable qu'un trou se trouve dans un cotillon neuf ! »
 J'allai ensuite dans la maison de cette voisine. 
Celle-ci descendit dans la cave et m'apporta quelques herbes pour assaisonner ma viande, ainsi que quatre mirabelles blanches. 
Elle m'engageait à manger ces dernières, qu'elle déclarait très bonnes. 
Quant à moi, je ne les jugeais pas telles. 
Je les mangeai néanmoins, et aussitôt je devins malade. 
Je ressentais de violentes douleurs dans les jambes. 
Le mal s'accrut pendant les jours suivants. 
Mon mari et ma belle-mère allèrent consulter un nommé Languen Close de Buchembach, qui ordonna de me faire prendre, à chaque repas, un pois de couleur grisâtre, dont il remit un paquet. Il prescrivait en même temps à mon mari de faire une neuvaine pour implorer ma guérison. 
Grâce au médicament et à la neuvaine, je me rétablissais, lorsqu'une certaine nuit, pendant que j'étais couchée avec mon mari, on jeta par une fenêtre une pierre dans la chambre au-dessus du fournil. 
La chute de la pierre produisit un grand bruit ; et à l'instant je devins impotente, perdant même la parole. Mes genoux, ma tête et mes mains étaient pour ainsi dire tout ramassés ensemble. 
Quand il fallait m'enlever du lit, on devait me rouler comme un tonneau ou me porter dans un grand linge. 
Mon mari et ma belle-mère se transportèrent encore nuit, pour que personne ne le sût). 
Cette seconde fois, celui-ci m'a encore fait apporter de petits pois et prescrivit de nouveau une neuvaine. La maladie se prolongea pendant six à sept semaines. 
J'ai soupçonné Marie Samray d'avoir exercé un maléfice sur ma personne, d'autant plus que Languen Close me disait ensorcelée. 
Au surplus, on considérait depuis longtemps Marie Samray, comme étant sorcière. 

- Marie, épouse de feu Jean Léonard Bastin et aujourd'hui décédée, avait déjà, dans une querelle avec sa voisine Marie Samray, accusé celle-ci d'avoir occasionné la mort de son veau. 
Ce fait m'a été confirmé par les enfants de feu Jean Léonard Bastin. »

-(20 octobre 1679). - Maroie Arenshans, veuve Jean Jaspar Pacquay, âgée de 77 ans, demeurant à Mirefels, avait aussi révélé ceci, au sujet du témoignage qui précède :« il y a 18 ou 19 ans, ma bru Jehenne Mangay, actuellement veuve Jean Pacquay, avait reçu 4 mirabelles de Marie Samray. 
Elle les mangea et tomba immédiatement malade. Son corps était contracté sur lui-même, à tel point que les genoux, la tête et les mains se rejoignaient. 
Je la soignai et j'étais obligée pour l'enlever du lit, de la rouler comme un tonneau. 
Cette maladie dura pendant trois semaines. 
On alla consulter à deux reprises Languen Close de Buchembach. 
Ce dernier remit de petits pois, de couleur grise et noire, que la malade devait avaler, un par jour, et pendant une semaine. Ma bru a pu enfin recouvrer la santé. »

- Une recharge, à laquelle il fut procédé à la Haute Cour de Malmédy, mit en prévention du chef de sorcellerie Marie Samray épouse Adam le vieux Renard . 
Cette recharge lui fut insinuée le 27 février 1680. On lui accordait un délai d'un mois pour fournir ses moyens de justification.
La malheureuse n'était pas dans une situation de fortune qui lui permît de se faire représenter et défendre par un procureur. 
De plus, elle ignorait ce que les témoins avaient révélé contre elle ; car l'instruction avait été secrète. 
C'est ce qui explique pourquoi elle laissa expirer doublement le délai qui lui avait été concédé. 
Par son silence, elle créait, selon les idées de l'époque, une présomption de culpabilité ; en d'autres termes, elle se rendait suspecle et même convaincue des crimes dont elle était chargée.

- Le 29 avril, Haack senior présentait un réquisitoire, concluant à la compétence de la Cour de Weismes et au bien-fondé de l'action. 
Il disait, d'après l'autorité de Papon et de Lebrun, que l'inquisition contre une telle accusée et le jugement à s'ensuivre rentraient dans les attributions de juges laïcs.

Il ajoutait, quand au fond, que le sortilège, sorcellerie, ou art et exercice de magie, qui contient paction particulière avec le diable pour avoir puissance de l'exercice avec renonciation expresse de Dieu, de la foy, du baptesme et autres sacrements, est l'un des crimes de lèse-Majesté divine au premier chef, veu qu'il ne peut estre exercé que par l'oeuvre et ministère du diable. 
D'où la conséquence qu'il fallait apporter les actes en recharge au plus tost pour avoir décret de capture et de suitte de torture pour estre fait le procès à la dite inculpée en toute rigueur de justice ; protestant contre la Courte, en, cas de dilay ultérieur.
Le même jour, 29 avril, les pièces de la procédure furent horsportées par le Mayeur-Lieutenant de Weismes à la haute justice de Malmédy, et ce magistrat en rapporta une décision ordonnant souveraine administration de justice, vu le mérite du fait. 
A l'instant, un décret de capture fut décerné contre Marie Samray, pour estre fait son procès à pieds liés. Le lendemain, 30, la malheureuse était arrètée et conduite dans un cachot du château de Renarstein.
- Le 2 mai, les échevins de la Cour de Weismes, Bodarwé, Jouly, Nocent, du Thier, Haack et Wansart, procèdent au premier interrogatoire de Marie Samray, épouse Adam le vieux Renard. Elle est âgée, dit-elle, de 77 ans, fille de Jaspar Samray et d'une nommée Trine, native de Faimonville. 
Elle est mariée depuis 57 ans. 
Sa grand'mère du côté paternel avait le prénom de Jehenne et avait épousé un Samray. 
Mais elle ne pourrait les désigner autrement. 
Elle sait qu'à une époque, qui remonte à environ cinquante ans, cette aïeule a été brûlée comme sorcière. Elle n'a pas reçu d'instruction, par suite n'a pas appris à lire et à écrire. 
Elle professe la religion catholique, récite de mémoire le Pater, l'Ave Maria, le Credo ;

 enfin sait qu'il y at un seul Dieu et trois personnes en la Sainte Trinité. 
Elle déclare avoir communié, six ou sept fois par année, et notamment pendant le temps pascal. 
Elle croit fermement recevoir par la communion la chair et sang de Jésus-Christ.
Questionnée sur ses antécédents, la prévenue dit que dans sa jeunesse, en revenant de Malmédy, elle fut violentée et outragée par un soldat de la garnison de cette ville. 
C'était dans un moulin à huile, peu distant. 
Elle alla porter plainte à un officier, et justice fut immédiatement rendue, car le malfaiteur fut harquebusé. Son sort, dit-elle, est très malheureux. « Partout, explique-t-elle, on m'évite, on me fuit, parce qu'on a répandu le bruit que je suis une sorcière. Et cependant, c'est bien à tort. "

- L'âge a-t-il affaibli l'intelligence de la malheureuse ? 
Celle-ci craint-elle d'être appliquée à la torture, ou bien désespère-t-elle de l'issue de son procès ? 
On est tenté d'admettre l'une ou l'autre supposition, car on va assister à un récit, plus que fantaisiste, de prétendues visites du démon.
« Je suis devenue sorcière, raconte-t-elle, depuis six ou sept mois. 
Le malin esprit est arrivé une certaine nuit. 
Après s'être enquis du chagrin que j'éprouvais, parce que je n'osais plus paraître devant toutes les personnes qui me diffamaient, il promit de me venger. 
Cet étranger était froid comme de la glace. 
Je m'écriai même à ce sujet : Jésus ! Maria ! qu'est-il froid ! 
Le diable me piqua au front, et disparut ensuite en faisant quelque bruit ressemblant à un souffle de vent. - Trois semaines après, il vint me trouver dans l'étable des vaches. Il était vêtu comme un homme ordinaire et était, coiffé d'un bonnet gris. 

En l'apercevant, je poussai l'exclamation : Jésus ! Maria ! et alors, il s'éclipsa. 
- Une troisième fois, il se présenta, lorsque je préparais le lit des enfants. 
Je me débarrassai encore de sa présence par les mots : Jésus ! Maria ! Cet individu était petit de taille et ressemblait à un malren garçon. 
Depuis lors, je suis allée consulter les Pères Récollets aux trois Marie sur les Bellings, pour connaître le moyen de mettre fin à ces visites du diable. 
Les religieux m'ont remis à cet effet des grains bénis.
Mais jamais, je n'ai renoncé à Dieu et ne me suis engagée envers le diable. 
Partant, je n'ai assisté à aucun sabbat. 
Je ne connais aucun sorcier, aucune sorcière. Je n'ai ensorcelé personne. Enfin, je n'ai causé du mal, ni à des gens, ni à des bêtes. »
Interpellée sur les faits repris à sa charge, elle conte qu'un jour, au matin, lors des noces de feu Servais Querin, elle monta à la chambre, dans laquelle reposait le sieur Thomas Henry avec ledit Servais, et qu'à la suite d'une mauvaise plaisanterie dudit Thomas Henry, elle versa sur lui l'eau tiède d'un pot qu'elle tenait à la main. 
Mais le liquide ne contenait rien de malfaisant ; et la preuve, c'est que Thomas a dansé avec elle pendant l'après-dinée. 
- Elle se rappelle être allée plusieurs fois en pélerinage au monastère de Grunevalt ; mais elle n'a aucune souvenance d'avoir fait un voyage avec Adam Lamby et la veuve du petit Melchior.
En tout cas, elle n'a rien mis de nuisible dans un broc de bière et n'a pas vu qu'Adam Lamby se lavât la figure au cours d'un ruisseau. 
- Enfin, elle n'a causé aucun mal à Jaspar, fils de feu Léonard Bastin. S'il est devenu fou, le fait ne peut lui en être imputé.
Cette vieille femme appréhende probablement les lenteurs et les rigueurs de la justice, car elle déclare refuser l'assistance d'un procureur. « Je n'entends point, dit-elle, plaider contre les Seigneurs Officiers. QU'ON ME FASSE MES DROITS, SI JE L'AI MÉRITÉ !»

- Le 4 mai, nouvel interrogatoire de l'inculpée. 
Celle-ci entre dans quelques détails sur les visites du diable. 
La première fois, elle lui demanda de la venger des diffamations de Jean Renard et de Thomas Henry qui la faisaient passer pour sorcière. 
Voici pour quels motifs. Jean Renard célébrait le baptême d'un enfant et la prévenue était chargée des préparatifs du diner. 
Comme le parrain, Paulus Ferent Schats, dit Luxembourg, bourgeois de Malmédy, avait apporté une couque, l'inculpée avait fait remarquer que celle-ci était molle. 
Sur ce, Jean Renard avait repris :« oui, Paulus aurait mieux fait de ne pas la donner comme cadeau, ou tout au moins d'en choisir une meilleure. » 
Ces propos de Jean furent, attribués à Marie Samray, et Paulus en conçut du dépit contre elle. 

- Quant à Thomas, il accusait la prisonnière de l'avoir ensorcelé aux noces de Servais, fils de Querin Servais. 
De plus, il avait répandu le bruit qu'elle avait fait mourir une de ses bêtes. - Le malin esprit avait promis d'exercer une vengeance contre les calomniateurs. 
Même le dévouement de celui-ci avait été jusqu'à proposer à la prévenue de faire perdre la vue à son mari Adam ; mais elle avait décliné cette offre, parce que son époux s'était toujours montré très bienveillant à son égard. 

- Lors de la seconde visite, le démon lui avait demandé de l'accompagner aux danses des sorcières, mais comme elle n'était pas ingambe, elle avait refusé de le suivre. 
Et pour qu'il ne fùt pas mécontent, elle lui avait fait don d'un ducat en or. 

- Ce fait remontait à environ sept ans. 

- Enfin, à la troisième apparition, elle s'était écriée :« Jésus ! Maria ! 
Va-t'en, maudit Satan, je t'ai payé !» Et pendant ce temps, la maison de Jean Renard brûlait. 

Thomas Henry se trouvait précisément réfugié dans cette habitation ; car, peu d'années auparavant, sa demeure, celle de l'inculpée, et d'autres, avaient été incendiées par l'armée française, lors de son passage dans le pays. 
Mais il ne faut pas que la justice accuse la prisonnière d'avoir suggéré au malin esprit l'idée de mettre le feu à la maison Renard. 
L'inculpée a simplement réclamé vengeance. 
Enfin; celle-ci prétend ne s'être jamais engagée au service de Satan. 
Elle n'a jamais renoncé à Dieu et au baptême. 
Elle répète encore qu'elle ne connait aucun sorcier, aucune sorcière. 
Elle est preste, dit-elle, à subir la morte pour ses péchez, et requiert les SS. Officiers et Justiciers de luy faire ses droits au plus tost, et sans ultérieurs fraix. 
La seule faveur qu'elle réclame, c'est de ne pas être transférée dans une autre prison, vu son grand âge.

- Le lendemain, 5 mai, on interroge encore cette malheureuse à Malmédy. 
Elle donne quelques détails sur les croyances religieuses de ses auteurs et sur les siennes. 
Sa grand'mère, Jehenne Samray de Remontval a été, dans un âge très avancé, brûlée comme sorcière. 
Elle ignore si d'autres membres de sa famille ont été accusés de sorcellerie. 
Son père, Jaspar Samray de Remonval et sa mère Trine de Faimonville étaient de bons catholiques, fréquentant les sacrements. 


On lui demande ce qu'elle entend par les mots culte catholique, et elle répond qu'elle ne pourrait donner aucune explication, attendu qu'elle n'a point suivi l'école. 
Elle ne sait ni lire, ni écrire ; en un mot, elle est dénuée de toute instruction. Encore moins, peut-elle s'expliquer sur le mystère de la Sainte-Trinité. 
Toutes ses connaissances se réduisent à la récitation du Pater, de l'Ave Maria et du Credo. 
Elle avoue que quand elle allait se confesser, elle ne faisait pas mention de ses relations avec le diable, et cela, par un sentiment de honte. 
Elle répète ce qu'elle a dit quant à ses aventures antérieures et à sa rancune contre Thomas Henry. 
Elle raconte un incident nouveau, mais sans importance. 
Elle dit que son mari, fatigué d'entendre accuser sa femme de sorcellerie, fit traduire Thomas Henry en justice, et que l'affaire n'eut pas de suite, grâce à l'intervention du pasteur Guillaume Beauwire. 

Les parties se concilièrent et le calomniateur donna un souverain d'argent pour les frais. 

- Elle maintient ne pas avoir versé un liquide ensorcelé sur Thomas Henry. 
Elle se rappelle qu'en revenant d'un pélerinage à Grunevalt, et passant avec Adam par Eltzemborn, elle commanda de la bière pendant qu'Adam prenait part à la danse. 
Elle avait bu à un cruchon et tenait celui-ci en main, lorsqu'Adam vint lui demander de partager la boisson, Elle acquiesça à sa prière, et Adam se remit à danser. 
Elle n'a nulle souvenance qu'il ait été indisposé et qu'il se soit lavé la figure à un ruisseau. 
- Elle se prétend innocente du fait de la folie de Jaspar. 
- Elle n'a point remis des herbages à Jehenne sa filleule ; mais elle lui donnait souvent des mirabelles. 
Elle ne sait si cette fille a été malade, et cependant les visites étaient fréquentes dans le fournil qu'habitait ladite Jehenne. 

- Enfin, elle répète avec quelques variantes le récit de ses entrevues avec le diable.

- En supposant que les facultés de l'inculpée ne fussent pas altérées, quel était en réalité son but ? 
Il est probable, comme nous l'avons déjà énoncé, qu'elle voulait échapper à la torture ; et c'est pourquoi elle racontait ses prétendues relations avec le démon. 
Elle prévoyait qu'elle serait suppliciée, et dans cette pensée elle faisait d'avance le sacrifice de sa vie. Qu'avait-elle au surplus à regretter ? 
Elle était vue de mauvais oeil par tout le monde : on la fuyait et on la redoutait. 


Peut-être, se disait-elle, qu'elle serait, en cas d'acquittement, un sujet de mépris pour son mari et ses enfants !

- Le 9 mai, le Procureur d'office requiert l'application de la malheureuse à la torture. 
C'est dit-il, pour forcer l'inculpée à donner meilleur esclaircissement. 
Mais la haute justice hésite à recourir à cette odieuse mesure. 
Elle s'assemble, le 11, au château de Stavelot. Sont présents : les Seigneurs de Noirfalise, Bodeux, Haack, Bellevaux, échevins de la Haute Cour de Malmédy, (joints à eux : les sieurs Bodarwé et Jean le Jouly, échevins de Weismes). 
Ces magistrats veulent encore tenter un interrogatoire au libre, c'est-a- dire sans gène. 
Le même jour, Marie Samray reconnaît que depuis 40 ans on la fame sorcière, mais sans savoir pour quel motif. Elle relate ses prétendues entrevues avec le malin esprit, disant qu'elle lui a donné un ducat pour qu'il la vengeât de Thomas Henry, et la laissât tranquille pendant dix ans, sans la menner ny hault, ny bas. 
Elle n'a pas eu d'autre discours avec lui, sinon qu'elle a prononcé les mots Jésus ! Maria! qui ont fait disparaître le tentateur. 
Elle n'a ressenti aucune douleur, lorsque celui-ci la piqua au front. 
Il lui avait proposé de crever les yeux à son mari, mais elle a repoussé la proposition. 
Si Adam, dit-elle, a une faiblesse de vue, c'est par un vice de naissance et à la suite d'un accident. Avant son mariage, il avait reçu une ruade d'un cheval. 
Ce coup lui avait froissé un os en deux pièces derrière un oeil. Au surplus, le père dudit Adam avait toujours eu de rouges et mauvais yeux. 

- Elle n'a éprouvé, ajoute-t-elle, aucune compassion lors de l'incendie de la maison de Jean Renard. 
Quant à Thomas Henry, c'est un larron d'honneur et diffameur. 
Elle va jusqu'à l'accuser de lui avoir dérobé, un jour dans le fournil, un morceau de viande de boeuf. 

- Elle persiste à dire qu'elle n'a ensorcelé personne. 
Si des témoins prétendent le contraire, que Dieu veuille le leur pardonner ! Au surplus, elle désire être confrontée avec eux.
Immédiatement, le Procureur d'office réitère ses conclusions du 9 mai. 
Il requiert, vu les dénégations sur le point de savoir si elle a d'autres pactions et autres engagements avec le maling Esprit, qu'elle soit soumise à la question. 
Il n'accueille pas favorablement la proposition d'une confrontation de la prévenue avec les témoins. 
Même plus, le 13, il s'y oppose formellement.

- Le lendemain, 14 mai, la Haute Justice prononce un décret, par lequel elle ordonne que Marie Samray soit appliquée à la torture.

- Le 20 du même mois, l'exécuteur des hautes oeuvres est requis de prêter à cet effet son ministère. 
Mais avant de tourmenter la pauvre vieille, on l'interroge encore au libre. 
Elle rétracte tous ses aveux et nie toutes ses prétendues entrevues avec le diable. « La nuit précédente, dit-elle, un esprit m'a conseillée de revenir sur mes révélations. 
Je ne l'ai pas vu, mais une inspiration m'est venue au coeur. » 
Et comme les échevins insistent, en lui faisant observer que cette voix intérieure est probablement celle du démon qui veut, dans le cas où elle succomberait à la torture, s'assurer la possession de son âme, elle avoue encore ses conciliabules avec le diable. 

- Ce sont les échevins de la Haute Cour de Malmédy, de Noirfalise, Bodeux, Gilson, Haack potestat, Bellevaux mayeur, (joints à eux : les échevins de la Cour de Weismes, Jean Henry dit Bodarwé, Jouly, Nocent), qui exercent cette pression sur l'esprit de la malheureuse.
Celle-ci est placée au pied de la question, la corde aux bras. 


Elle dit qu'elle a révélé à son fils Henry ses relations avec le démon. 
Lorsque le malin esprit lui apparut, la maison de Jean Renard n'était pas encore incendiée, et Thomas Henry avait réintégré sa demeure. 
Celle-ci avait été brûlée, dix ou douze ans auparavant, par des soldats français. 
- L'inculpée maintient que la première apparition du diable remonte à six ou sept années ; mais elle ne pourrait se rappeler l'époque où l'habitation de Jean Renard fut incendiée pour la seconde fois. 

- On aggrave les tourments de la torture ; et nonobstant, la patiente nie être allée aux sabbats des sorciers et des sorcières. 

- A un certain moment, Marie Samray ne répond plus aux questions qui lui sont posées. Elle s'est évanouie sous l'action de la douleur. 
Alors, on lâche les liens, et on lui permet de s'asseoir. Comme on lui demande si elle désire qu'on la délivre des cordes, elle dit à deux ou trois reprises :« c'est inutile puisqu'on recommencera la gêne plus Jamais, ajoute-t-elle, le démon ne m'a conseillée de causer du mal aux gens et aux bêtes. Jamais, je n'ai assisté aux danses (sabbats). »

- Après un quart d'heure de repos, on soumet derechef la prévenue à la torture. 
Mais elle ne révèle rien de plus, persistant tousiour de ne savoir autre chose. 
Le procès-verbal contient un passage qui est conçu comme suit, et qui donne le frisson :« se plaignant et se lamentant fort tendrement, réclamant parmy les prédits tourments touiour le nom et l'assistance de Dieu et de tous les Saints, et demandant à Dieu miséricorde et à la justice de la vouloir délivrer et ne plus la remettre à la torture, ayant aussi et pendant les tourments souventes fois prié son bon ange de luy voulloir estre présent à son costé pour la consoler et conforter ».

- Le même jour, 20, le Procureur d'office conclut à une alternative : il demande que l'inculpée soit appliquée à une question plus rigoureuse, ou qu'elle soit condamnée à un bannissement perpétuel avec fraix.

- Le 27 du même mois, la Haute Cour va procéder, au château de Stavelot, à une confrontation de Marie Samray avec les principaux témoins. 
Mais auparavant, celle-ci sera interrogée au libre. 
Ces mesures d'instruction se feront en présence des sieurs de Noirfalise, Bodeux, Haack et Bellevaux, respectivement mayeur et échevins de Malmédy, (joint à eux : l'échevin Jouly de Weismes).

Interpellée, la prévenue répond en substance :« je sais qu'on me dit sorcière, mais cette fame provient de Thomas Henry. 
Jamais, le diable ne m'a requise d'assister aux danses. 
Je ne lui ai pas fait don d'un ducat. Si j'ai avoué ce détail, c'est que j'étais faible d'esprit. 
Le démon m'est apparu avant l'incendie de la maison de Jean Renard. 
Il a promis de me venger des diffamations de cet homme et de celles de Thomas Henry. 
Jamais, je n'ai touché aux bêtes de ce dernier, et je ne l'ai pas ensorcelé. « Elle persiste dans les déclarations qu'elle a faites devant la Cour de Weismes, et ajoute cette phrase navrante :« Je suis si gastée d'esprit, que je ne sçais plus ce que je dois dire présentement ». 
- On entend successivement en présence de la malheureuse : Thômas Henry, Querin Quaré d'Odenval, Marie veuve Pacquay Jean Jaspar de Stembach, Jean Adam Lamby de Remontval, Marie Martin, Jean Adam, veuve du petit Melchior d'Odenval, et Jehenne Mangay, veuve Jehan Pacquay. 
Nous ne reproduirons pas leurs dépositions, qui ont déjà été transcrites. 
Nous nous bornerons à dire que l'inculpée, interpellée sur ses moyens de défense, répond: " je ne me souviens de rien. 
Je ne me rappelle pas avoir donné des mirabelles à Jehenne. J'ignore même si celle-ci a été malade ».

- Le 29 mai, le Procureur d'office, agissant pour le potestat son seigneur et pour l'officier de Weismes, dépose un réquisitoire que nous qualifions d'une cruauté inouïe. 
Il proteste contre la Cour, en cas de délai ou lenteur. 
Il fait entendre qu'il y a lieu de prononcer incontinent une condamnation à mort, attendu, dit-il, que le maître des grandes oeuvres est icy vacquant à grands fraix.

- Le 31 mai, la Haute Cour procède à l'audition de nouveaux témoins. 
Elle reçoit les dépositions de deux fils de Marie Samray : Jean, fils d'Adam le vieux Renard, âgé de 48 ans ; et Henri Adam le vieux Renard, âgé de 40 ans, manant de Lybomont. 
Le premier dit :« tout ce que je sais, c'est que ma mère a la réputation d'être sorcière. 
Mais jamais, elle ne m'a fait d'aveu à ce sujet. 
Au contraire, lorsque je déplorais le mauvais renom qu'on répandait sur elle et qui pouvait empêcher ses enfants de faire fortune ou de contracter de bons mariages, elle me répondait : « celui-là a bon qui peut avoir patience !»

- Le second témoin rapporte que quand il est allé voir sa mère à Renarstein, il lui a fait de salutaires remontrances pour la convertir et pour sauver son âme, si du moins elle était coupable. 
Elle avoua avoir eu affaire avec le démon, ainsi qu'elle l'avait, déclaré à la Cour. « En même temps, elle me donna de bons conseils, m'engageant à mettre mes enfants sous la garde de Dieu ; à les bénir, chaque soir et chaque matin ; enfin à les empêcher d'assister aux fêtes et aux beuveries. 
Je n'ajoute pas grande foi aux déclarations de ma mère, parce qu'elle varie dans ses dires, et que dès son jeune âge elle n'a jamais fait preuve d'une grande constance dans les idées. 
Elle assistait aux offices religieux, mais elle était toujours en retard aux messes. 
Elle préférait se rendre, malgré la distance, à l'église d'un village voisin, parce qu'elle rencontrait des personnes qui consentaient à converser avec elle. 
Elle a nié avoir fréquenté les sabbats et m'a avoué le don d'un ducat remis au diable ».
Le croirait-on ! 
Les deux fils de l'inculpée prient la Cour de 
FAIRE LES DROITS A LEUR MÈRE SI ELLE EST COUPABLE ! 
Le premier désire même que le jugement soit rendu au plus tôt.

- Le ler juin, on entend Colla Cloes,

 âgé de 33 à 34 ans. 
Le témoin transportait à l'aide d'une charrette, la semaine précédente, de la chaux au château de Stavelot. Ayant ainsi eu l'occasion de voir la prisonnière, il l'engagea, si elle voulait sortir du cachot, à se convertir. Il ajoutait que le bourreau préparait ses instruments pour une rigoureuse torture. 
La prisonnière lui demanda :« que faut-il donc dire ? » et le témoin répondit : « ce que vous savez, notamment les maux que vous avez causés aux personnes. » 
La prévenue reprit :« il faudra donc bien que je parle !» Toutefois, elle nia avoir fait du mal aux gens, et s'être rendue aux danses de sorciers. 
Elle demanda ensuite si d'autres personnes étaient arrêtées, en les désignant nominativement. 
Mais le témoin n'a pas voulu répondre à ces questions, pour ne pas nuire au prochain. 
Colla Cloes ajoute :« Marie Samray m'a engagé à dire à mes frères et soeurs de se mettre toujours sous la garde de Dieu, d'éviter le désaccord dans les ménages, et de prier Dieu, le soir et le matin, pour ne pas s'exposer à la sorcellerie ».

- Le 4 juin, la Haute Justice de Malmédy décide qu'il y a lieu de communiquer le cahier d'information à des jurispérites pour avoir leur avis. 

- Le 6 juin, on entend encore comme témoin un autre fils de l'inculpée : Mathias Adam le vieux Renard, âgé de 36 à 37 ans. 
Celui-ci était allé, une quinzaine de jours auparavant, voir sa mère à la porte de la prison du château. 
Il lui portait de la nourriture et du linge. Sa mère a encore nié être sorcière. 
Elle lui a demandé, en citant des noms, si d'autres personnes étaient arrêtées. 
Mais le témoin a refusé de répondre, à raison du caractère secret de la procédure.

- Nous allons voir quelle influence néfaste exerçaient sur l'esprit des prévenus l'application à la torture, et voire même l'appréhension de ce mode inquisitorial. 
Non seulement, ils s'accusaient eux-mêmes parfois de prétendus délits qui nous font hausser les épaules, mais encore ils dénonçaient mensongèrement des complices, les exposant ainsi à la sévérité de la justice.

- Le 19 juin, on interroge encore Marie Samray. 
Elle fait les révélations suivantes :« la première fois que je vis le diable, c'était dans mon cortil. 
Il était petit et vêtu de bacques grises. Il m'a paru qu'il portait un bonnet avec une corne sur la tête. 
J'étais attristée de ce que Thomas Henry débitait sur mon compte, en m'accusant de l'avoir ensorcelé et d'avoir fait mourir ses bêtes. 

Je requis le démon d'exercer une vengeance sur ce diffamateur et sur ses bêtes. 
Il me demanda de me donner à lui, et me fit, à travers mes vêtements, des marques sur l'épaule. 
La conversation roula sur le mode de vengeance à employer contre Thomas Henry et Jean Renard.  

- La seconde fois, le malin esprit survint dans ma battière. 
C'était à la soirée. Il me conduisit à la fontaine de Stembach. 
Là, se trouvaient des compagnes qui dansaient et sautaient. 
Je reconnus dans le groupe Jehenne Winand et la femme Maroie Noël de Stembach. 

- La troisième fois, j'allai avec mon galant aux danses de Stavelot. 
J'y vis plusieurs personnes, couvertes de santes, ou gros voiles à la demoiselle. 
Elles dansaient en se tenant par la main. 
Je reconnus dans le nombre Jehenne Winand, la femme Jean Maroie Noël, et Marie le Dosquet. Le joueur d'instrument se tenait en l'air. 
J'ai cheminé pour le retour avec Jehenne Winand. 

- Peu de temps après, je suis allée à un sabbat au Robrou. 
J'y ai vu les mêmes personnes. 
- Je désigne comme sorcières les trois femmes précitées. 
Quant à moi, je le suis devenue trois semaines après les noces de Servais le Dosquet. 
Le diable m'a dit qu'il m'avait vengée sur les bêtes de Jean Renard. 
Mais je n'ai point fait de mal à personne ; encore moins, exercé le moindre maléfice. 
Toutefois, je reconnais avoir mis sur les mirabelles de Jehenne Mangay une poussière grise, que le diable m'avait donnée. 
J'ai jeté de cette poudre sur deux vaches de ladite Jehenne, et une d'elles est morte. »

- Elle avoue avoir conversé avec le diable, et être depuis trente ans sorcière. 

Le démon s'appelait Verdin : il avait sur la tête une corne de la même étoffe que le bonnet. 
Il venait chercher la prévenue pour la conduire aux danses. 
Il s'envolait dans l'air avec elle ; et tous deux passaient au-dessus des haies et des buissons. 
Parfois, le malin esprit lui ordonnait de semer par-ci, par-là, de la grêle pour dévaster les récoltes. 
Dans certaines circonstances, il la portait sur une épaule; et quand il la déposait à terre, il se vengeait par un coup de poing de ce qu'elle était trop pesante. 
Il la frappait, lorsqu'elle refusait de faire des maléfices : c'est ce 

qui eut lieu relativement aux bêtes d'Adam le jeune, de Faimonville. 
Les assemblées de sorciers et de sorcières étaient très gaies : on y riait et on y dansait dos à dos. 
Elles étaient de plus très fréquentes et nombreuses. 
Elle y est allée près de Xophen, de Weurtze, aux grands bois, à Recht. 
Elle n'y a reconnu personne parce que les sorcières étaient des Allemandes, coiffées en blanc et en noir. 
Le démon défendait de rien divulguer et de renseigner sur les maléfices que les sorcières exerçaient isolément. 
- Chaque fois que le diable ramenait l'inculpée, il ….. 
Elle a reçu l'ordre de celui-ci de renier Dieu. 
C'est à cette occasion qu'il l'a piquée, à travers une serviette, au sommet de la tête. 
Elle ne sait si elle a été aussi forcée de quitter le baptême. 
Le malin esprit lui avait fait promettre de le servir pendant toute la vie. 
C'est dans des nuées, nommées par elle ez Esnoulles, qu'elle a été ensorcelée. 
Elle fut même à cette occasion toute mouillée : aussi, dut-elle, à son retour, changer de vêtements pour ne pas éveiller des soupçons.

- Le 21 juin, le Procureur d'office prend, au château de Stavelot, acte des confessions de Marie Samray. Mais comme plus de quarante années se sont écoulées depuis les noces de Servais Querin Servais, il demande que l'inculpée soit recolée sur les détails de ces noces, sur les maléfices qu'elle peut avoir commis, et sur les noms de ses complices. 
Il estime que pour obtenir la manifestation complète de la vérité, il faut soumettre derechef la prévenue à la question. 

- Le même jour, Marie Samray est amenée, en chemise et ayant les yeux bandés, devant les magistrats. 
On l'oblige à s'asseoir au pied de la torture. 
Elle avoue encore être sorcière depuis l'époque des noces de Servais le Dosquet, mais sans pouvoir affirmer si la date remonte à quarante ans. 

- Quand elle vit le diable pour la première fois, c'était vers la soirée, et lorsqu'elle sarclait de mauvaises herbes. 
Il était petit, et coiffé d'un bonnet avec corne. 
Il lui demanda quel était le sujet de sa tristesse, et elle répondit qu'elle n'osait plus sortir de sa demeure, parce que Thomas et Jean jetaient du discrédit sur elle. 
Alors, le diable promit d'en tirer vengeance, si pas sur leurs personnes, au moins sur leurs bêtes. 
Mais auparavant, il l'avait obligée de renoncer à Dieu et au baptême, disant :, donnez-vous à moi !» Il la piqua sur la tête à travers une serviette, sans lui faire de mal. 
Il lui. avait aussi frappé légèrement l'épaule, pendant qu'elle sarclait le jardin.

- Le démon revint vers la soirée, lorsqu'elle préparait le foin destiné à la nourriture de son bétail. 
Il ……. 
Le malin esprit promit encore de la venger des calomnies de Thomas Henry et de Jean Renard. « Comment t'appelles-tu, demanda-t-il ?» 
Comme l'inculpée disait porter le prénom de Marie, il reprit : « il ne faut plus réclamer la grande Marie ." Il avait dit se nommer Verdin. 
Il s'éclipsa avec la rapidité du vent, en riant, et en passant par une fenêtre située au-dessus de la porte. --Environ trois semaines après cette visite, le démon reparut pendant que je préparais de l'avoine.

J'eus encore ….. 

Comme il me proposait de me porter à un sabbat, je refusai son offre, parce que la nuit arrivait et que je ne voulais pas faire remarquer mon absence. 

- Trois jours s'étaient écoulés, lorsqu'il revint. 
J'étais en ce moment assise près du foyer avec mes enfants. Je le suivis jusqu'au seuil de ma porte. 
Là, il me prit sur ses épaules, et s'envolant, me transporta sur une campagne, entre Montignie et Robrou. Une réunion se trouvait en cet endroit, et on voyait trois ou quatre hommes, armés de hallebardes, qui stationnaient autour d'un buisson. 
On dansait dos à dos. 
J'y ai constaté la présence de la femme Lynart Le Harmot de Xhophen, de Marie Bravers, de l'épouse Jean Maroie de Stembach, de Jehenne Wansart veuve Jaspar Winand de Weismes, de Marie Dosquet des Faignoux épouse Jaspar Adam Chilteony, et de Jehenne Samray veuve Jean Wansart. 
J'affirme, sur le repos de mon âme, n'avoir reconnu que ces personnes. 
Encore, puis-je me tromper sur l'identité de la dernière. 
Après la danse qui dura pendant une demi-heure, mon galant me rapporta sur ses épaules jusqu'au jardin de ma demeure, et disparut en riant, et hicquetant. 
A ma rentrée au logis, je prétextai que j'étais allée cueillir des pommes; et même, j'en donnai quelques unes à mes enfants. 

- Trois semaines après cela, le démon vint encore me trouver ; mais il ne me conduisit pas aux danses. Il me remit un papier, dans lequel se trouvait une poudre de couleur grise. Il me conseilla d'en semer là, où j'avais des haines à assouvir. 
J'en ai versé dans la cuvelle de mes bêtes ; et celles-ci furent malades pendant deux ou trois jours. 

Une d'elles même mourut. Comme je craignais d'être battue par le diable, si je ne faisais pas usage de cette poudre, j'avais préféré m'en servir au détriment de mon bétail. 
De la sorte, je ne nuisais pas à autrui.
C'est au moins cent fois que je suis allée aux danses, toujours pendant la nuit et surtout en été, principalement au Chesselet de Stavelot. 
La lune éclairait les danses ; et quand elle était voilée, des lanternes ou lampes de couleur bleuâtre remplaçaient sa lumière. 
Des hommes, bien vêtus, tenaient, au Chesselet, de grands bâtons qui supportaient des lampes ou chandelles. Un autre, mieux habillé et gros, était coiffé d'un bonnet. 
Les femmes portaient des coiffes blanches ou noires. 
Parfois les danseurs étaient au nombre de cent : diables, sorciers et sorcières. 
On voyait à Stavelot une table garnie d'une nappe. 
J'y ai bu de la bière dans un gobelet d'argent que mon galant me présentait.

Il s'y trouvait aussi des plats, d'un métal ressemblant à de l'argent, qui contenaient des truites ou autres poissons rôtis ; mais je n'ai pas touché à ces mets. 
Des hommes, vêtus de soie ou de velours rouge, étaient assis à l'entour de la table, et rendaient honneur au plus brave. 
Les musiciens se tenaient en l'air et jouaient de toutes sortes d'instruments. 
Quelqu'un jetait de l'eau sur les groupes, comme on fait dans l'église avec l'eau bénite. 
Les danseurs houpaient comme des chouettes ; ils criaient : wich ! wich ! hue ! houe ! On ne pouvait entendre leurs conversations. »
- Pour terminer ce récit, Marie Samray dit qu'elle doute de la qualité de sorcière de Jehenne Samray. 
Il lui semble l'avoir vue une fois aux danses de Robrou. 

- Elle maintient n'avoir exercé d'autre maléfice que ceux sur sa vache et sur les mirabelles de Jehenne Mangay. 
Enfin, elle affirme que le diable l'a principalement battue, quand elle ne voulait pas lui obéir, ou quand elle invoquait les noms de Jésus et de la grande Marie.

- Le même jour, 21 juin, malgré ces prétendus aveux, le Procureur d'office requiert l'application de Marie Samray à la torture ; et l'inculpée y est soumise en présence des seigneurs de Noirfalise, Bodeux, Gilson, Haack et Bellevaux. 
La prévenue confirme ce qu'elle vient de dire, en ajoutant qu'elle est allée aussi aux sabbats entre Francorchamps et Baronheid. 
Elle y a vu des personnes qui lui sont inconnues. Elle suppose qu'elles étaient allemandes. 
Elle ne peut affirmer que Jehenne Samray soit réellement sorcière. 
Interpellée sur le point de savoir si elle a eu des querelles avec Jehenne Wansart veuve Pascal Winand, Marie le Dosquet, et l'épouse Jehan Maroie Noël de Stembach. elle répond négativement. 
- On aggrave les tourments. 
La malheureuse maintient ses aveux, et crie dans l'angoisse de la souffrance: « je vais mourir là dessus !...,je maintiendrai mes dires devant Dieu comme étant l'expression de la

 vérité! je me repens d'avoir renié Dieu et de m'être donnée au diable !je renonce à ce dernier et spécialement au maudit Verdin que je voue aux feux de l'enfer ! je désire mourir par les mains de la justice pour mes péchez et pour remettre mon aime dans les mains du Créateur. »
Quand elle est délivrée de la gêne, elle déclare avoir vu aux danses : Jehenne Wansart épouse Winand, de Weismes; Marie le Dosquet des Faignoux; et l'épouse Jean Maroie Noël de Stembach, savoir : la première, une fois près du Robrou ; une seconde fois, aux fontaines entre Remontval et Stembach ; et toutes les trois dans le Chesselet et Marché de Stavelot.

- Le 22 juin; le Procureur d'office dépose des conclusions, que nous qualifions, d'une cruauté outrée. 
Il demande que Marie Samray soit conduite au lieu du supplice. 
Par pure condescendance de sa part, elle ne sera pas brûlée vive. 
Le bourreau l'étranglera d'abord, puis livrera le corps au bûcher.
Mais les magistrats hésitent à se prononcer sur la culpabilité de la malheureuse. 
Ils veulent, avant de rendre une sentence définitive, interroger encore plusieurs fois Marie Samray.
Le 26 juin, les échevins Bodeux et Gilson qui ont été dépêchés comme commissaires à cet effet par la Haute Justice de Malmédy, font comparaître, au libre, la prévenue devant eux. 
Marie Samray dit n'être sorcière que depuis une trentaine d'années. 
Elle a été séduite par le diable et a eu des relations avec lui. 
Le démon la conduisait aux danses, et l'y transportait si vite qu'elle ne peut désigner les endroits où il la menait, sinon : le Robrou, les fontaines de Remontval et le castelé de Stavelot. 
Elle a remarqué la présence de la veuve Jaspar Winand, de Marie le Dosquet, et de l'épouse Jehan Maroie de Stembach. 
Elle PROMET de maintenir ses accusations contre ces personnes, dans le cas où on la confronterait avec celles-ci. 
Elle confirme le récit de ses maléfices en ce qui concerne sa propre vache, et les mirabelles données à Jehenne Mangay. 
Elle rétracte ses dires antérieurs quant au ducat remis au diable. 
Elle doute que Jehenne, veuve Jean Wansart, soit allée au sabbat : elle a pu se tromper sur l'identité de celle-ci, car la femme qu'elle a cru voir avait un linge sur la tète, linge qui masquait la figure. 
Elle fait remarquer que les autres femmes étaient. méconnaissables, à cause des santes ou coiffes qui tombaient jusqu'au nez. (La prévenue se drape la tête, pour montrer aux commissaires en quoi consistait ce genre de coiffure).
Comme Marie Samray veut en finir avec la vie, elle dit lors de la clôture de son interrogatoire : «  j'ai confessé la vérité.! j'offre de mourir là-dessus! je prie seulement la justice de vouloir accélérer l'affaire et de me faire mon droit !»

- Le 3 juillet, les seigneurs de Noirfalise, Bodeux et Bellevaux, échevins de la haute justice de Malmédy interrogent derechef la prisonnière. 
C'est au château de Stavelot qu'ils procèdent à ce devoir. 
La prévenue persiste dans ses déclarations antérieures. 
Mais elle n'est pas certaine d'avoir renoncé à Dieu et à la Vierge ; par suite, de s'être donnée réellement au diable. « Toutefois, dit-elle, si on a consigné ces détails dans le cahier d'information, il faut les y maintenir, car alors, la mémoire lui était plus fidèle. » 
Elle croit avoir vu aux danses : Jehenne Wansart, Marie le Dosquet, et la femme Jehan Maroie Noël de Stembach ; mais peut être le démon a-t-il donné leurs formes à d'autres personnes. 
Elle n'a exercé d'autre maléfice que ceux déclarés précédemment. 
Si elle n'en a pas commis sur Thomas Henry et sur Jehan Renard, quoiqu'elle eût des motifs de les haïr, c'est parce qu'elle avait confié sa vengeance au diable, et qu'elle se reposait à cet effet sur lui. 

- Le même jour, 3 juillet, on confronte Marie Samray avec Jehenne Léonard Wansart, veuve Winand, et Marie le Dosquet, que les accusations mensongères de la première ont gravement compromises, et qui ont été arrêtées le 26 juin précédent. Nous rapporterons plus loin, pour ne pas faire double emploi, la relation de cette confrontation.

- Le lendemain, 4 juillet, nouvel interrogatoire de Marie Samray par les échevins Gilson et Bellevaux. 
Il a lieu dans la cellule de la prisonnière. 
La prévenue confirme ses précédents dires.
« Ce n'est pas, dit-elle, par crainte de retourner près de mon mari, ou d'être encore soumise à la question, que je persiste dans mes aveux. 
Mon but est de sauver mon âme. ',

Les commissaires lui font observer que, par ses nombreuses variantes, elle retarde le moment de l'exécution à mort, tant désirée par elle. 

Ils ajoutent qu'elle met la justice dans une grande perpléxité. Ils lui font même entrevoir qu'elle pourrait être relaxée, et qu'ainsi elle aurait la faculté, grâce aux conseils des Capucins, de sauver son âme. 
La prisonnière répond qu'elle préfère mourir pour assurer le salut de son âme. 
Alors, les magistrats l'engagent avec instance à n'accuser personne à la légère. 
Sur cette injonction, Marie Samray déclare n'avoir vu aux danses : Jehenne Wansart, qu'une fois ; et Marie le Dosquet, que deux fois. 
Mais, ajoute-t-elle comme correctif, il se peut que le démon ait donné leurs figures à d'autres femmes. Quant à Jehenne Samray et à Jehan Maroie Noël de Stembach, elles ne sont nullement coupables de sorcellerie.
Le procès-verbal contient un passage que

 nous ne pouvons laisser passer sous silence. 
Comme les magistrats font remarquer à Marie Samray qu'elle vient encore de produire de nouvelles variantes, elle répond : « qu'on luy demandoit tant de choses qu'elle avoit la tête toute gastée et ne se pouvoit expédier de tout ce qu'on luy demandoit ; qu'elle pryoit qu'on luy fisse au plus tost ses droits et qu'on luy voulusse donner un confesseur pour se préparer à bien mourir, et qu'on lui permisse de recevoir le corps et sang de Nre Sauveur avant sa morte, la qu'attendoit. »

- Le 8 juillet, Haack et le potestat, échevins députés de la Haute Cour de Malmédy, interrogent encore la malheureuse. 
Ils lui demandent si elle est disposée à bien mourir et si elle a dit toute la vérité. 
L'inculpée nie avoir jamais été sorcière. Si elle a fait, dit-elle de prétendus aveux, « c'est par crainte et appréhension de la torture et qu'on luy fisse tant de tourments qu'elle ne les sauroit supporter. » 
Elle désavoue donc tout ce qu'elle a dit. 
Elle n'a exercé aucun maléfice, et elle a accusé à tort, comme ayant assisté aux sabbats, des malheureuses actuellement prisonnières. 
Néanmoins, elle souhaite mourir par les mains des justiciers, parce que, si elle était relâchée, ses enfants n'auraient plus de respect pour elle, et ce, à cause du deshonneur qu'elle ferait rejaillir sur eux. 
Si elle a donné le nom de Verdin à son prétendu galant, c'est parce qu'anciennement, lorsqu'on brùlait des sorcières, Catherine Winand, accusée de sorcellerie, avait ainsi qualifié le diable.

- Cet interrogatoire du 8 juillet désarmait complètement le Procureur d'office. 
Aussi, proteste-t-il avec énergie contre ce dernier examen. 
Il se base sur les confessions antérieures. 
Il demande, le 10, pour combattre l'hésitation que les magistrats éprouveront à condamner la pauvre vieille, qu'elle soit devant la Cour entière appliquée à la torture la plus rigoureuse, froide et chaude, et qu'on visite son corps pour s'assurer si elle ne porté point une marque du diable.

- Le 11 juillet, la Haute Justice de Malmédy rend un arrêt, conforme au réquisitoire du Procureur d'office. On convoque pour le lendemain, au château de Stavelot, le maître des hautes oeuvres et un docteur en médecine.

- Le 12 juillet, la prisonnière est d'abord interrogée au libre. 
Elle maintient ses dernières rétractations. 
Alors, on la met en chemise, on lui bande les yeux, et on lui fait subir la question. 
Sous l'empire de tourments intolérables, la malheureuse avoue encore qu'elle est sorcière et qu'elle a assisté aux danses. 
Mais elle n'a vu aux sabbats que des allemandes qui lui sont inconnues. 
Elle n'a jamais fait de mal à personne. 
Enfin, comme on aggrave les souffrances par la question, elle pousse ces cris qui nous navre de tristesse et font frissonner d’horreur : «  Oui, je suis sorciére ! Il faut bien que je le dise !.... »

-Le 13 juillet, le Procureur d'office, qui venait de regagner du terrain, déposa un réquisitoire tendant à la condamnation à mort de l'inculpée.
La Haute Cour de Malmédy tint l'affaire en délibéré jusqu'au 18 juillet, et à cette date rendit un arrêt définitif, que nous reproduirons au dernier chapitre de la présente notice.

CHAPITRE VII.


La Cour de Weismes instruisait d'autres

 procès du chef de sorcellerie et notamment contre Jehenne Léonard Wansart, veuve Jaspar Winand de Weismes.

- Le 27septembre 1679, les échevins Bodarwé, Jouly, du Thier et Haack apprenaient par le témoignage de Jean Adam Lamby, âgé de 70 ans, de Remontval, que cette femme était désignée, depuis nombre d'années, comme sorcière. 
Cette réputation lui avait fait manquer un mariage avec un jeune homme qui la recherchait. 
On avait énergiquement conseillé à ce garçon de ne pas l'épouser. 
Le même Jean Adam Lamby ajoutait :« comme un dimanche au matin, je me rendais à Weismes, avec ma femme et Marie Samray, épouse Adam le vieux Renard, pour assister à la messe, je vis l'inculpée Jehenne Wansart fabriquer une corde dans son cortil. 
Marie Samray m'expliqua que cette corde aurait la vertu d'attirer le lait d'autres vaches pour faire de bon beurre. 
Pour cela, il était nécessaire de placer ladite corde sous le bourteau, avant que la messe du dimanche fût achevée ».
- Le 28 septembre, Marguerite Mortus Close, veuve Jean le Tixhon, âgée de 68 ans, demeurant à Weismes, faisait la déposition suivante : « j'ai ouï dire, il y a de cela quarante ans, que Jehenne Wansart était déjà réputée sorcière. 
C'est ce qui avait empêché Léonard Simon de Weismes, de contracter mariage avec elle. 
- A une époque qui remonte à environ vingt ans, feu Pacquay Jean Jaspar de Steinbach m'a conté, qu'un jour, pendant qu'il gardait ses moutons sur la campagne, il reçut de cette femme une tartine qu'elle tira d'un seau ayant servi à contenir du lait, et qu'ayant mangé cette tartine, il tomba malade, même cracha du slang ainsi que quelque chose de pourri ressemblant à du limon vert. Il perdait tout un côté du corps. 
Aussi, eut-il de la peine à regagner le village. 
Après quelques jours de malaise, il envoya quelqu'un consulter les Capucins. 
Ceux-ci lui firent remettre des grains bénis ; mais il ne fut guéri radicalement que par un remède d'un certain Languen Cloes de Buchembach: 
- Il y a 13 ou 14 ans, Servais Thyse Estienne de Faimonville, qui gardait alors les brebis de Weismes, se rendit chez Jehenne Léonard Wansart pour y manger . 
I1 y reçut du lait qui avait été écrêmé pour la fabrication du beurre. 
Aussitôt, il devint malade et ne put même faire rentrer le  troupeau. 
Son frère Querin dut aller le chercher. 
Après s'être étendu de son long devant le foyer de Querin, il retourna en sa demeure ; et dut garder le lit pendant huit jours, quoiqu'ayant recours à tous les remèdes imaginables. 
Pacquay et Querin attribuaient ces maladies à des sortilèges de Jehenne.

- Le 20 octobre, Maroie Arenshans, veuve Jean Jaspar Pacquay, âgée  de 77 ans, de Mirefels, rapporte :« depuis plus de 30 ans, on parle mal de Jehenne Léonard Wansart, veuve Jaspar Winand de Weismes. 

A une date qui remonte à plus de vingt années, mon mari Jean Jaspar gardait les brebis de Weismes. Pendant qu'il était sur un champ, Jehenne lui  remit une tartine qu'elle avait tirée d'un coleu. 
Mais à peine venait-il de manger cette tartine, qu'il devint malade. Il regagna péniblement le village. 
Il avait perdu l'usage d'un côté du corps. 
Il resta dans cet état pendant quinze jours, crachant du sang, et vomissant des choses vertes, pourries. 

Les Capucins, consultés à ce sujet, lui envoyèrent des grains bénis, qui procurèrent un peu de soulagement. Après cela, nous nous adressâmes à un nommé Languen Cloes de Buchembach, qui nous délivra neuf pois, blancs et noirs, assez gros et mêlés. 
Mon mari devait en avaler un par jour, en récitant quelques Pater et Ave. 
Le même Languen Cloes avait aussi remis une poudre blanche, ressemblant à de la farine, pour la mélanger avec la nourriture de mon mari. 
Grâce à ce traitement, celui-ci , fut guéri.

- Le 7 novembre Jehenne Mangay, veuve Jean Pacquay, âgée de 47 ans, demeurant à Stembach, fait à son tour le récit suivant : «  quant à ce qui concerne Jehenne Léonard Wansart, veuve Jaspar Winand de Weismes, mon beau-père Jean Pacquay Jean Jaspar m'avait conté qu'un jour, gardant les bêtes à laine, sur les bruyères ou sur les champs, en lieu dit Bouxhaymont, près de Weismes, il avait vu surgir à l'improviste la dite veuve qui portait un seau au bras.

Dans ce seau se trouvait une tartine, entourée d'un linge blanc, ressemblant à un coleu. 
Elle lui offrit la tartine, qu'il mangea. 
Mais aussitôt il se sentit malade ; et ce fut avec beaucoup de peine qu'il put regagner son logis. 
Mon beau-père m'a souvent répété cet incident, disant qu'il ne comprenait pas comment cette femme avait pu apparaître si soudainement, lorsqu'il était debout et surveillait ses bêtes. 
Il ne l'avait nullement vue arriver. Aussi se demandait-il si elle venait du ciel ou de la terre ?»

- Assurément, les charges recueillies contre l'inculpée ne résistaient pas à un examen sérieux. 
Pouvait-on accorder créance â des suppositions enfantées par l'imagination et ancrées sur la superstition ? Certes, la Cour de Weismes aurait dû faire table rase de cet échafaudage de pures hypothèses. Malheureusement pour Jehenne Wansart , Marie Samray, épouse Adam le vieux Renard d'Odenval, articula, dans le cours des trois premières semaines de juin 1680, et notamment sous l'empire des tourments de la question, des aveux compromettants en ce qui concernait la dite Jehenne. 
Elle déclarait avoir vu cette femme aux sabbats de sorcières.
Les magistrats de la Cour de Weismes communiquèrent la procèdure à la Haute Justice de Malmédy, pour avoir recharge.

Le 26 juin 1680, la Haute Cour ordonnait l'arrestation immédiate de la veuve Jaspar Winand, née Wansart . 
Aussitôt, le même jour, la Cour de Weismes jugea appréhensible l'inculpée, et prescrivit aux officiers poursuivants de la saisir, pour lui faire son procès, à pieds liés. 
Telle fut la rapidité de la mise à exécution de cette mesure, que, dans la journée, la prévenue fut capturée et emprisonnée au château de Renarstein. 
L'acte d'examen sur lequel devait porter l'interrogatoire fut dressé par le potestat Officier Haultain et par l'Officier de Weismes, poursuivants. 
Il fut insinué dans la prison de Renarstein à Jehenne Wansart ; puis, celle-ci fut transférée en la ville de Malmédy.
C'est le le 1er juillet qu'on procède à son interrogatoire. 
Il se fait au libre  par devant les échevins Bodeux, Gilson et Bellevaux, députés de la Haute Justice de Malmédy.

Jehenne Wansart prête serment.
Elle est âgée d'environ 70 ans. 
Son père se nommait Léonard Wansart ; et sa mère, Catherine Pattresse. 

Elle a eu pour beau-père Winand Jean Maroie; et pour belle-mère, Catherine Urbain. 
Sa mère fut, lors des dernières exécutions de sorciers à Weismes, appréhendée comme magicienne, mais elle bénéficia d'une relaxation. 
Sa belle-mère, Catherine Urbain fut aussi, à la même époque, arrêtée du chef de sorcellerie, et malheureusement pour elle, mise à mort. 
Sa belle-soeur, fille de ladite Catherine Urbain, avait également été appréhendée, mais on la relâcha après information.
Elle professe la foi catholique, apostolique et romaine. 
Elle récite couramment, en langue française, le Pater, l'Ave, le Credo, les Commandements et quelques prières. Elle a suivi l'école ; ce qui lui a permis d'apprendre à lire et à écrire.

Elle expose ses moyens de justification :« lorsque mon mari, dit-elle, me faisait la cour, il m'avait déjà révélé que Marie, soeur de Léonard Simon, répandait un méchant bruit sur mon compte. 
Après mon mariage, Isabeau, soeur de ladite Marie, avait débité à une petite fille, alors âgée de 12 à 13 ans, Jehenne Lynart le Marquis , (servante de Léonard Simon, et ensuite, épouse du capitaine Gillis de Weismes, que j'avais une mauvaise réputations. 
J' allai adresser des reproches à Isabeau Léonard Simon, en sa demeure, et ce, en présence de son frère Léonard. 
Celui-ci se fâcha contre sa soeur, et même voulut la frapper, parce qu'elle avait dit tenir ce renseignement de lui, en qualité d'échevin. 

- Ces filles m'attaquaient dans mon honneur, parce que j'avais déconcerté leurs plans. Isabeau aurait désiré que j'épousasse son frère, Léonard ; et elle, Isabeau, projetait de contracter mariage avec mon frère. »
Faisant allusion à une particularité consignée dans l'information, elle déclare n'avoir nulle souvenance d'avoir fabriqué une corde pour obtenir de bon lait d'une vache. 
Elle ne sait pas même si une corde peut avoir telle vertu. 
Ce serait, dit-elle, une action blamâble de confectionner des cordes, un dimanche, soit avant, soit après la messe, et cela sans nécessité ou à mauvaise fin.

Elle avoue avoir eu des querelles avec certaines personnes, parce qu'il n'est pas toujours facile de vivre en amitié avec tout le monde ; mais elle ne se rappelle pas qu'on l'ait qualifiée de sorcière.
Il se peut qu'un berger, auquel elle devait fournir la nourriture, ait reçu d'elle du lait ; mais ce qui est certain, c'est que ce liquide ne contenait rien de nuisible. 
Comment s'y prendrait-elle pour altérer une telle boisson? 
Elle ignore que ce berger ait, dès ce moment, été malade. 
- Elle ne se souvient point d'avoir donné, dans un champ, une tartine au berger Jean Jaspar Pacquay de Weismes. Elle n'était pas obligée de le nourrir. 
Cet homme avait été recommandé aux bons soins de l'inculpée par sa cousine, l'épouse Jehan le Tixhon, pour qu'elle lui donnât, de temps en temps, des aliments. 
Mais en tout cas, elle ne lui a servi rien de pernicieux. 
Il faut, ajoute la prévenue, se méfier de la femme Jehan le Tixhon, qui est connue comme ayant une mauvaise langue. 
Toujours, quand il arrive quelque chose de fâcheux à des gens, ou à des bêtes, elle s'empresse d'accuser une personne quelconque.

- En résumé, elle n'a fait de mal à qui que ce soit ; et si on débite des accusations contre elle, on ne doit leur accorder aucune créance.
Enfin, elle nie énergiquement avoir assisté aux danses des sorcières. 
Je ne connais rien, dit-elle, en fait de danses, et ne sais ce que c'est d'être sorcière. 
Jamais, je n'ai voyagé avec Marie Samray, encore moins pour assister à des danses de sorcières. 
Nous nous échangions des visites, selon les affaires que nous avions à traiter ensemble. 
Si Marie Samray ose affirmer m'avoir vue aux danses, elle ne sera pas bien disposée pour mourir, à moins que le diable l'ait trompée, en donnant ma forme et ma figure à une autre femme. 
Quand même tous les diables et les sorciers seraient réunis ici et soutiendraient m'avoir aperçue aux sabbats, je dirais que tous sont des menteurs ».

- Le procès-verbal d'interrogatoire est signé d'une manière très lisible par l'inculpée.


- Le Procureur d'office demande, par un réquisitoire, qu'il soit procédé (quant au point de l'assistance aux danses,) à une confrontation de Jehenne Wansart avec Marie Samray.

- Le lendemain, 2 juillet, les échevins députés de la haute justice de Malmédy, de Noirfalise, Haack et Bellevaux, (auxquels vient se joindre le sieur Bodeux), interrogent à nouveau Jehenne Wansart. 
La prévenue confirme ses reponses de la veille. Elle n'est point sorcière et ne sçoit ce qu'on veut dire par les danses. 
Comme on lui demande si elle veut être assistée d’un Procureur pour se défendre, elle répond négativement, disant qu’elle ne sçoit comment elle pourra se tirer d’affaire, à raison des méchantes gens et des mauvaises langues qui ne cesseront de jaser et de la calomnier. 
Au surplus, elle affirme être innocente du crime de sorcellerie.

- Le Même jour, la Haute Cour de Malmédy ordonne le transfert de la prisonnière Jehenne Wansart au château de Stavelot, aux fins de la confrontation sollicitée par le Procureur d’office.

- Le 3 juillet, la Haute Cour s'assemble au château de Stavelot. 
Elle est composée des échevins députés de Malmédy, de Noirfalise, Bodeux, Haack et Bellevaux. Sont aussi présents : Bodarwé et Jouly, échevins de la Cour de Weismes.
On introduit d'abord l'inculpée Jehenne Wansart pour être interrogée au libre. Celle-ci maintient les réponses qu'elle a données, tant devant la Cour de Weismes que devant la Haute Justice de Malmédy. Elle persiste à dire qu'elle n'est point sorcière..
On fait ensuite entrer. Marie Samray. Cette femme déclare à la Haute Cour, en présence de Jehenne : «  j'ai vu celle-ci aux danses : une fois  au chesselet de Stavelot,, et une autre fois, à la fontaine de Stembach.. Lors de la première rencontre, nous sommmes revenues ensemble, accomlpagnées de nos galants,jusque sur le Hault, près de Thirimont. 
 Je l’ai parfaitement reconnue, telle que je la vois actuellement, à moins que le diable ait donné sa forme et sa figure à une autre femme ».

- Jehenne Wansart répond : «  ce n’est pas vrai ! Marie ne m’a jamais vue aux danses ! Je n’y suis jamais allée ! Je ne suis point sorcière ! 
Le diable peut avoir emprunté ma figure, pour faire croire à Marie que j'étais présente ! 
Si Marie persiste sur sa mort à soutenir, la chose, elle me fera grand tort et se damnera » 

- Marie Samray reprend : «  je voudrais avoir autant de ducats, que j'ai vu de fois Jehenne aux danses. Convertissez-vous, Jehenne, car si le bourreau vous met la main sur le corps , vous parlerez bien autrement ! »
Les magistrats interpellent Marie pour savoir si ses confessions n'ont pas été provoquées par les tourments de la gêne ou inspirées par l'appréhension de plus griève torture.


Elle répond :« non ! ce que j'ai déclaré est la vérité !»- Jehenne dit alors à Marie Samray :« malgré les affronts que vous me causez, je prie Dieu qu'il vous pardonne !»

- Marie reprend :« Priez pour vous-même et convertissez-vous ! C'est la vérité que je vous ai vue aux danses : à la fontaine de Stembach, il y a de cela moins d'un an; et une autre fois, au chesselet de Stavelot, vers la fête dernière de Noël !»

- Jehenne persiste dans ses dénégations. Elle dit : « si j'étais sorcière depuis autant d'années que Marie le déclare, elle m'aurait vue plus de mille fois aux danses, et non pas deux fois. » Marie maintient ses affirmations.

- Le 4 juillet, le Procureur d'office rédige des conclusions dans la forme suivante : Vu la déclaration faite dans la confrontation par Marie Samray d'avoir vu Mienne plusieurs fois aux danses en plusieurs lieux, et la qualification donnée par elle à Jehenne, comme sorcière, requiert que Jehenne soit appliquée à la torture et rasée.

- Le 12 du même mois, le Procureur d'office maintient le réquisitoire qui précède. Il demande que le corps de Jehenne soit visité pour voir s'il ne porte pas une marque du diable.
Nul doute que la Haute Justice n'eût accueilli les conclusions du Procureur d'office. 
Mais dans le laps de temps du 4 au 12 juillet, Marie Samray avait, comme nous l'avons dit, désavoué ses accusations contre Jehenne Wansart et Marie le Dosquet . 
Aussi, le Procureur d'office est-il obligé, le 13, de modifier son réquisitoire dans le sens suivant : En répétant les rétroacts, et pour couper pied, demande droict et sentence omni meliori modo, avecque fraix, le plus sommairement que possible.

Nous rapporterons plus loin la sentence définitive qui fut rendue dans les causes : contre Jehenne Wansart et Marie le Dosquet.

CHAPITRE VIII


Il nous reste à examiner un dernier procès de sorcellerie. C'est celui qui fut dirigé contre Marie le Dosquet, épouse Jaspar des Vaux, demeurant aux Faignoux.

Voyons d'abord quelles charges la justice avait pu recueillir contre la prévenue.

- Le 26 septembre 1679, la Cour de Weismes actait le témoignage de Marguerite Hugo, épouse Gilles Léonard, âgée de 65 ans. 
Ce témoignage est ainsi conçu :« quand je fus appelée, en qualité de. sage-femme de Weismes, pour procéder à l'accouchement de l'épouse Léonard Jean Pacquay, les femmes du voisinage refusèrent l'entrée de la maison à Marie le Dosquet, parce qu'on la soupçonnait de pratiquer la sorcellerie.

- Le même jour, Thomas Henry, âgé de 76 ans, manant d'Odenval, révélait à la Cour: « depuis vingt ans, j'ai entendu répéter que Marie le Dosquet, épouse Jaspar des Vaux, est sorcière. 
On a attribué la maladie de la femme de Jean Nocent à un acte de sortilège posé par ladite Marie.

- Le 28 du même mois, la Cour actait comme suit, une partie de la déposition de Marie Jean Thomas Marquet, épouse Jean Remacle, âgée de 55 ans, d'Odenval: ", lorsque j'étais en bas-âge, on accusait déjà de sortilèges Marie le Dosquet. 
La mère de cette femme, qui fut brûlée comme sorcière, doit, dit-on, avoir accusé du même crime sa fille.

- Le 2 octobre, Léonard Pacquay, âgé de 66 ans, manant de Thirimont, déposait :« on désigne depuis plus de trente ans, Marie le Dosquet, épouse Jaspar des Vaux, demeurant aux Faignoux, comme étant une sorcière. 
Feu mon frère, Adam Pacquay, qui travaillait, il y a de cela une trentaine d'années, en qualité de couturier chez Marie le Dosquet, y tomba malade. 
Cette indisposition provoqua sa mort. Il m'avait dit qu'il soupçonnait Marie le Dosquet d'avoir causé sa maladie. »

- Le même jour, 2 octobre, Gillette Jean Thomas Marquet, native d'Odenval, veuve Jean Pacquay, âgée de 70 ans, demeurant aux Faignoux, racontait à la justice :« depuis plus de quarante ans, Marie le Dosquet, épouse Jaspar des Vaux, est réputée sorcière.
 A une époque qui remonte à vingt ans, Jean Renard m'a dit qu'étant allé passer la soirée chez les Dosquet, et y ayant mangé des pommes, son ventre s'était immédiatement gonflé, comme il gonfle encore. 
Jean Renard s'est soulagé en faisant usage de la thériaque. 
Un jour, Marie le Dosquet vint chez moi (la déposante), puis se posta sur le seuil de mon étable: Comme mes vaches thériaque. 
Un jour, Marie le Dosquet vint chez moi (la déposante), puis se posta sur le seuil de mon étable: Comme mes vaches venaient d'én sortir et passaient sur un champ, un levraut surgit impolinément entre les bêtes, et les effraya à tel point, qu'une vahe fit un écart et se rompit une jambe. 
Mon mari et moi, nous conçumes, à raison de ce fait, un mauvais soupçon sur Marie le Dosquet, et surtout en tenant compte de sa réputation de sorcière.

- Enfin, le dit 2 octobre, Jean Simon, âgé de 50 ans; manant des Breyres, rapportait qu'à une époque remontant à quinze ou seize ans, Léonard le Jouly, dont la vache donnait du mauvais lait, en attribuait la cause à Marie le Dosquet. 
Celle-ci avait touché le pis de la bête dans un champ.

- Evidemment, ces allégations, provenant de l'esprit de superstition qui règnait alors, ne devaient exercer aucune influence sur des intelligences éclairées. 
Malheureusement, comme nous l'avons dit, Marie Samray avait, dans les angoisses de la torture, accusé Marie le Dosquet d'avoir assisté à des sabbats. 
Quoique cette accusation ne fùt pas vraisemblable, (car Marie le Dosquet était impotente et ne pouvait marcher qu'à l'aide de béquilles), la Cour de Weismes crut devoir réclamer de la haute justice de Malmédy une recharge. 
La Haute Cour ordonna. le 26 juin 1680, de saisir Marie le Dosquet et de lui faire son procès à pieds liés. Le même jour, la Cour de Weismes faisait appréhender la malheureuse au corps et l'emprisonnait au château de Renarstein. 
Telle fut l'activité des magistrats, que séance tenante, on dressait l'acte d'étiquette, qui devait servir pour guider l'interrogatoire de la prévenue.

- Le lendemain, 27 juin, la cour de Weismes, composée des échevins Bodarwé, Jouly, Haack et Jean Gillis, indague contre la prisonnière. 
Elle l'interroge au libre. 
L'inculpée déclare être âgée d'environ 68 ans, et mariée depuis trente-cinq ans à Jaspar Adam des Vaux. Son père s'appelait Henri le Dosquet, et sa mère, Jehenne Léonard Henry des Faignoux. 
Celle-ci fut bridée comme sorcière, lors de la dernière exécution des sorcières. 
Quant à son père, il n'a point été inculpé de crime de sorcellerie.
Elle observe, dit-elle, la foi catholique, communie cinq ou six fois par an, et croit recevoir par le sacrement de l'eucharistie le corps ainsi que le sang de Jésus-Christ. 
Elle récite parfaitement le Pater, l'Ave, le Credo et les dix Commandements.
Elle confesse que depuis nombre d'années, on la proclame sorcière. 
Mais c'est une calomnie qu'on propage contre elle. 
Naguère encore, c'est-à-dire pendant la saison d'automne, Marie Cuxnel, épouse Jean Thomas-Bastin, de Thirimont, lui a rapporté que Jehenne Herna, veuve Léonard Eustache, colportait cette diffamation contre elle. 
L'inculpée a répondu que c'était parce qu'elle avait surpris Jehenne ramassant des glands à son préjudice. Elle avait apostrophé la dite Jehenne, en l'appelant larronnesse. - «'I'oujours, ajoute-t-elle, j'ai été mandée pour donner aide et assistance aux accouchements de mes voisines. 
Je ne sais si parfois on ne m.'a pas requise. Toutefois, on ne m'a pas convoquée pour donner des soins, lors des travails des enfants de Jean-Henri Grosjean et de ceux de Jean Feschire, aux Faignoux. 
Cependant, j'étais du vinalve ou voisinage. J'ignore le motif de cette exclusion. 

- Je n'ai jamais remarqué qu'on éprouvât la moindre appréhension dans les maisons où je me rendais. 
Au contraire,  on m'engageait à venir voisiner. 

- Je ne puis supposer que ma mère, laquelle a été brûlée comme prétendument sorcière, ait pu m'accuser du chef de sorcellerie. Si le fait est réel, je dois démentir cette inculpation. 

- Je n'ai point ensorcelé feu Adam Pacquay, de Thirimont. Je ne lui ai causé aucun mal; je ne sais pas comment il faudrait s'y prendre pour produire un tel résultat. 

- Je ne me souviens pas d'avoir donné des pommes à Jean Renard d'Odenval, même de l'avoir vu à la soirée chez moi. En supposant qu'il ait été ensorcelé, la cause ne provient pas de moi. 

- Je suis ignorante de tous ces faits. 

- Je nie être allée aux danses, soit au chesselet-marché de Stavelot, soit à Robrou, ou autre part. Je n'ai vu et ne connais personne pour y être allé. 

- Il me serait impossible d'exercer le moindre maléfice. 

- Si Marie Samray, épouse du vieux Renard, prisonnière, ose affirmer en ma présence m'avoir aperçue. aux danses et me. nomme les lieux, je m'en tiendrai à ses dires, tout en :protestant que je ne suis pas sorcière.

- Le 28 juin, la Cour de Weismes procède, au château de Renarstein, à un nouvel interrogatoire au libre, de l'inculpée. La cour est composée des échevins Jouly. Haack et Jean Gillis. 
Marie le Dosquet maintient toutes les explications qu'elle a données la veille. 
Immédiatement, le Procureur d'office requiert la Cour de livrer la prisonnière en la puissance de l'officier de Malmédy selon les usances accoutumées, et les échevins font droit à ces conclusions.

-Le ler juillet, Marie le Dosquet, qui a été, transférée à Malmédy, est amenée au libre dlevant les échevins députés de la haute justice de cette ville. 
La prévenue prête serment. Elle est âgée de 66 ans. 
Son père se nommait Henri le Dosquet des Faignoux; et sa mère, Jehenne Lynart (sic) Henry dudit lieu. Son beau-père s'appelait Adam de Vaz de Legnouville ; et sa belle-mère, Jehenne .... (sans pouvoir dire le nom de famille).
« Ma mère, Jehenne Lynart Henry, dit l'inculpée, a été exécutée du chef de sorcellerie. 
J'ignore si d'autres membres de ma parenté ont été entachés de ce crime. 

- Je suis catholique, comme on l'est dans ce pays. Je puis réciter le Pater, l'Ave Maria (en wallon), ainsi que le Credo et les dix Commandements. 

- J'ignorais qu'on me famât de sorcellerie. 
J'en ai eu connaissance par la rumeur publique, lorsqu'on a commencé les présentes poursuites. 
Je ne crois pas que ma mère m'ait accusée de ce crime, même ait pu le faire. 
Je n'ai point remarqué qu'on éprouvât quelque répugnance à m'appeler pour prêter assistance aux accouchements de voisines. 
Au contraire, j'ai servi de marraine aux enfants de toutes les maisons de Thirimont et des Faignoux. 
A une date qui remonte à environ deux ans, j'ai encore été mandée pour des couches chez Lynart Giette. 
Si parfois on néglige de me convoquer, c'est en considération de mon grand âge. 
On se dit probablement que je marche très difficilement et que je ne pourrais rendre aucun service.

- J'ai appris par le dire du public qu'on m'accusait d'avoir ensorcelé la femme Jehan Nocent des Faignoux. Voici ce qui s'est passé. 
J'avais prié Dieu de ne point guérir cette femme qui était malade, et de la faire mourir, à moins qu'elle me donnât réparation d'honneur. 
Cette circonstance parvint aux oreilles de Nocent. 
Comme sa femme languissait et venait même de recevoir l'extrême-onction, sans pouvoir ni se rétablir ni mourir, il me pria de pardonner de bon coeur à son épouse. 
Je me prêtai à ce désir, et la malade obtint sa guérison.

- Je nie avoir ensorcelé Adam Pacquay de Thirimont, dont la mort date de quarante ans, si pas davantage. Peut-être a-t-il succombé à une épidémie qui régnait alors et qui a enlevé tant de jeunes gens. 
Comment aurais-je pu faire pour l'ensorceler ? 

- Je ne sais si jamais j'ai donné des pommes à Jehan Renard d'Odenval. 
Quoiqu'il en soit, je ne lui ai occasionné aucun mal. 
Comment aurais-je pu m'y prendre pour produire un tel résultat ? Si je lui ai remis des pommes, ce n'était pas certes pour lui nuire. 

- Jamais, en quelque lieu que ce soit, je n'ai assisté aux danses des sorcières. 


Si Marie Samray ose soutenir en ma présence une telle accusation, je lui dirai qu'elle ment, comme elle a menti. 
Bien certainement, elle damnera son âme, tandis que moi, j'attendrai avec sérénité la mort qu'il plaira à Dieu de m'envoyer. 

- En résumé, j'affirme que toutes les accusations, dirigées contre moi, sont absolument mensongères. »

- Après cet examen, le Procureur d'office requiert que l'inculpée soit confrontée avec Marie Samray, relativement'au fait de sa présence aux danses de sorcières.

- Le 2 juillet, la Haute Justice, composée des sieurs de Noirfalise, Haack, Bellevaux, échevins, et réunie à la Halle, fait comparaître encore Marie le Dosquet. Celle-ci maintient les réponses de la veille. 
Elle n'est point sorcière, n'a jamais assisté aux sabbats et n'a jamais exercé de maléfice. 
Elle ne sait même comment il faudrait procéder pour poser un acte de magie.

La Haute Justice ordonne la translation de l'inculpée au château de Stavelot, pour la confrontation demandée. 
Et comme la malheureuse est impotente, par suite ne peut marcher, on la transportera dans une charrette.

- Le 3 juillet, la Haute Justice. composée des mêmes magistrats, (auxquels se sont joints les échevins Bodarwé et Jouly, de Weismes), fait introduire en une salle du château de Stavelot Marie le Dosquet et la met en présence de Marie Samray.
Cette dernière, interrogée, dit :« j'ai vu cette femme deux fois aux danses: la première fois, avant l'hiver qui vient de s'écouler; et la seconde, vers l'époque de la fête de Noël. 
Je l'ai encore aperçue aux fontaines de Stembach ; et à Stavelot, au printemps dernier, lorsqu'on alloit aux charrues et qu'il y avoit tant d'aguesses sur les champs ».
On demande à Marie Samray si Marie le Dosquet se rendait aux danses avec les crosses ou béquilles qui l'aident à marcher, et elle répond :« je n'en sais rien. Je n'ai point dirigé mon attention sur ce fait ».
Marie le Dosquet, interpellée, dit : « cela n'est pas vrai ! 
Je n'ai point assisté aux danses ! Je ne sais ce que cela signifie ! Marie Samray me fait grand tort ! Quant à moi, je ne l'ai jamais considérée comme sorciêre. Je ne savais même pas, avant son emprisonnement, qu'elle le fût ! 
Elle devrait penser à sa conscience et à son âme pour ne pas débiter tant de mensonges ».
Marie Samray engage à son tour Marie le Dosquet à se convertir :« je t'ai vue aux danses, dit-elle, ainsi que je l'ai déclaré ».

L'autre inculpée persiste dans ses dires, protestant de son innocence, et pryant Dieu que ladite Marie Samray puisse se convertir et revocquer ses  fausses accusations ; et de la voulloir secourir, et assister au maintien de sadite innocence.

- Le 4 juillet, le Procureur d'office dépose les conclusions suivantes : « Attendu que Marie Samray at maintenu à Marie le Dosquet d'estre sorcière, et de l'avoir vue aux danses, en plusieurs lieux et à diverses fois, requiert que ladicte Marie le Dosquet soit, mise à la question, et à cet effet soit razée, et autrement comme de styl, demandant la dessus sommaire administration de justice."

- Le 12 juillet, le Procureur d'office réitère son réquisitoire, mais en termes plus impératifs : il  soustient continuellement que Marie le Dosquet serat appliquée à la torture, et son corps visité pour voir s'il n'y a  aucune marque du diable, et ce sommairement ;- Autrement proteste.
Cependant, à cette date, Marie Samray avait retracté ses accusations contre la malheureuse Marie le Dosquet !

- Le Procureur d'office a probablement sondé l'opinion des membres de la Haute Cour, et deviné qu'il n'obtiendrait pas une application à la gène, encore moins une condamnation à mort, car le 13 dudit mois de juillet, il atténue dans la forme suivante ses exigences : tout en répétant ses rétroacts et pour couper court, demande droict et sentence omni meliori modo, avecque fraix, le plus sommairement que possible.

CHAPITRE IX


Nous arrivons maintenant au dénouement

 des procès criminels que nous avons analysés dans les trois chapitres qui précèdent.
Qu'avait produit cette longue instruction qui dura presque une année? 
On avait entendu une cinquantaine de témoins, ainsi que multiplié les Interrogatoires, et il ne restait rien de sérieux d'un prétendu, faisceau de preuves. 
Tous, les témoignages. n'avaient pour base que les superstitions stupides qui étaient la caractéristique de l'époque. 
Pouvait-on ajouter foi, quant à Marie Samray, à Jehenne Wansart et à Marie le Dosquet, aux divagations de la première, divagations qui émanaient d'une tète affaiblie par l'âge, et qui avaient été provoquées par les souffrances répétées de la torture ? 
Ne devinait-on pas que Marie Samray n'avait qu'un objectif : mourir par la main du bourreau, pour ne pas être exposée, pendant le peu de jours qui lui restait à vivre, à l'exécration du public et au mépris de ses enfants ! 
Qu'elle eût fait le sacrifice de son existence, cela se conçoit. 
Mais la torture l'avait poussée à entraîner dans son malheur deux pauvres femmes; auxquelles la justice ne pouvait rien reprocher.
Les magistrats de la Haute Cour ne voulurent point se rendre coupables d'assassinats juridiques. Le 18 juillet 1680, ils prononcèrent les sentences suivantes :

- Messieurs de la haulte justice de Malmedy, veus et meurement examinez tous et chacqs acte entre parties agitez, et prins sur iceux toutes considérations affiérantes, comme aussy les advis des SSre jurispérites et y faisant droict, Déclarent lesdites Jehenne Wansart et Marie le Dosquet relaxables, comme par cette ils les relaxent ; les condamnant néantmoins aux fraix pour cause soubs leurs tauxe et séparation. Prononcé le 18me juillet 1680 sur la halle à Malmedy. Pnts les Srs Mayeur Lieutenant de Weismes et le Procureur d'office.

- Messieurs de la haulte justice de Malmedy, veus et meurement examinez tous et chacqs acte entre parties agitez, et prins sur iceux toutes considérations affiérantes, comme aussy les advis des Srs jurespérites et y faisant droict, Déclarent ladite Marie Samray présentement relaxable, comme par cette ils la relaxent, la condamnant aux fraix, soubs leurs tauxe et modération. Prononcé sur la halle de Malmedy, le 18e juillet 1680. Pnts les Srs D'Aycomont mayeur Lieutenant de Weismes et le Procureur d'office.

Certes, les échevins de la Haute Cour ont agi sagement en ne s'associant pas à la vindicte publique qui réclamait des condamnations à mort du chef de prétendues sorcelleries. 
Mais ne devait-on pas faire état de la détention que des malheureuses avaient subie bien injustement ? Fallait-il compter comme une quotité négligeable les frais que leurs familles avaient supportés pour les nourrir dans la prison  ? - 
Ne devait-on pas prendre en considération les souffrances horribles de la torture qu'avait endurée, à trois reprises successives, Marie Samray ? 
N'était-ce pas un devoir d'empêcher le mépris public de s'acharner contre les inculpées ? 

- Pourquoi donc alors, la Haute Cour condamnait-elle des personnes, reconnues innocentes, aux frais énormes qu'avait nécessités une information de près de douze mois ?

A ce point de vue, les sentences de la Haute Cour étaient injustes.

Les temps où ces choses se passaient sont loin de nous ! Heureusement, l'instruction a répandu ses lumières sur l'intelligence des masses ; et c'est grâce à elle, qu'on a pu extirper les préjugés et les superstitions populaires qui étaient si fortement enracinés dans les consciences !

JULES FRESON (1904)


Annexe 1: Grünewald (Pèlerinage à Grunevalt)

 "Schetzelo", le bienheureux ermite du Grünewald  
Schetzelo, le bienheureux, appelé entre autres Schetzel, fut un ermite qui habita le Grünewald au 12ème siècle, où il mena une vie retirée. Il passa les 14 dernières années de sa vie dans la forêt du Grünewald, vraisemblablement depuis l’année 1124 jusqu’à sa mort le 11 août 1138 ou 1139. L’année exacte de sa mort est incertaine. Schetzelo fut selon toute vraisemblance un moine de l’ordre des Cistersiens qui vint du monastère d’Orval. Il fut un ermite, un homme qui choisit l’isolement et la solitude pour mener une vie sévère de pénitent, afin de prier et d’être proche du Seigneur. Il fut un homme de bon conseil à maintes personnes. Il logea dans une caverne où il dormit sur un sol en pierre. Les plantes de la forêt constituèrent sa nourriture. Il apaisa sa soif avec l’eau de source de l’Ernz Blanche, appelée aujourd’hui ”Schetzelbur”, qui naît à environ 200 m de l’ermitage. Durant les rudes hivers des quatre dernières années de sa vie, Schetzelo, le bienheureux quitta son isolement comme il craignait de mourir de faim. Il s’approcha des fermes avoisinantes où il demeura dans la cour. Il y dorma sur la paille et mangea le morceau de pain qui lui fut offert. Avant l’aube, il disparut et rejoignait sa solitude.  Le seul document écrit servant de preuve de l’existence ainsi que du séjour du Schetzelo au Grünewald est le récit du témoin oculaire Archardus de Clairveaux qui y témoigne de sa rencontre avec l’ermite. Ses récits furent mis par écrit par le frère Herbertus. Tous les autres récits ne racontent vraisemblablement que des légendes.  Schetzelo, le bienheureux mourra tel qu’il avait vécu: en solitude. A l’occasion de son enterrement les moines ainsi que les gens arrivèrent en masse pour l’enterrer à l’entrée de la caverne. Ils érigeaient paraît-il sur sa tombe une chapelle en bois. En 1150, son corps fut transféré dans l’abbaye bénédictine d’Altmünster où il fut inhumé dans un cercueil en argent devant le maître-autel de l’église du monastère. Ses reliques jouirent vénération jusqu’en 1543, date de la destruction de l’abbaye. A ce qu’il paraît de nombreux miracles se seraient produits devant sa tombe. Jusqu’à nos jours, son dernier lieu de sépulture n’a pas été retrouvé.

Chaque année, le deuxième dimanche du mois d’août, une messe de commémoration de l’ermite «Schetzelfeier» est célébrée en plein air, suivie d’une bénédiction de la forêt.

La grotte du Schetzelo
La grotte dans le Grès du Luxembourg dans laquelle Schetzelo le bienheureux vécut, appelée grotte du Schetzelo ou encore ermitage, est d’origine naturelle mais fut agrandie artificiellement. Avec à peu près 3 m de largeur, 2,50 m de profondeur et 2,50 m de hauteur, la grotte protégea l’ermite des intempéries. La grotte qui fut ensevelie pendant de longues années fut remise en état durant le 19ème siècle par le curé J. Klein de Weimerskirch. A l’intérieur de la grotte, en mémoire de Schetzelo (à droite) et d’Archardus (à gauche) on installa des statues. Leur bénédiction solennelle par l’évêque J. Hengen a eu lieu en août 1970.Vue extérieure et plan horizontal de la grotte du Schetzelo. Gravure de l’architecte d’Etat Charles Arendt (1860).

Annexe 2: Carte de la région de Waimes


François TOUSSAINT

Il m'est impossible de parler de Waimes sans évoquer le plus illustre de ses Historiens: l'abbé François TOUSSAINT. Peu de villages ou de villes ont eut la chance d'avoir une personne qui a épluché si méthodiquement toutes les archives disponibles. Avec un constance et un humour bon enfant il relate dans son livre “Origine et Histoire de nos Vieilles Familles” une foule d'anecdotes et de faits historiques qui immortalisent à jamais le passé de toute la région.    

J'ignore si ce livre, publié en 1988, est encore disponible en librairie mais le plus simple est encore de contacter l'Imprimerie de Waimes qui ne manquera pas de vous renseigner:   . Quel que soit l'endroit où il se trouve: tout qui s'intéresse à Waimes éprouvera un plaisir certain à le consulter, voire à le lire complètement tant il est agréablement écrit.

Je me suis permis d'emprunter un passage sur Thirimont (où je suis tombé d'une nuée...) et sur son village jumeau Ondenval. 

Thirimont

Sous cette dénomination se groupent trois hameaux : Thirimont, Fagnoû et Fisé ainsi que plusieurs maisons isolées qui ont reçu leurs noms de la toponymie locale : Freneux, Fagne Dodhâ, Faye, Houyîre, so lès Breyîres. Le bourgmestre Nemery avait baptisé Houyîre du nom de Sedan, en souvenir de la victoire de 1871, mais sous le régime belge, il a été débaptisé en Merckem, nom qui rappelle une des victoires belges de l’avant-dernière guerre.
Ces noms étrangers ne disent rien au peuple, qui a toujours entendu et continue à dire ol Houyîre.
Thirimont, en allemand Dedesberg (Dittesberich, en 1606, dans les archives de Bütgenbach) est composé de Thiery et de Mont, si l’on prend l’appelation germanique, comme terme de comparaison. Beaucoup de village en mont ont cependant une autre origine. Ce terme peut dériver de mansionem mâhon, qui par contraction est devenu mon comme dans amon = chez, dans la maison de Gohimont, Géromont, Arimont, Libomont, Andrimont (aujourd’hui perdu, entre Waimes et Faymonville), etc ne sont pas situés sur des monts. Thirimont, Hedomont, Gdoumont, etc. sont nécessairement situés sur des hauteurs, par rapport à Malmédy, mais leur assiette ne rappelle nullement une proéminence. Il en est tout autrement de Bouhémont, Tchîvremont, Chaumont, etc. qui désignent ostensiblement des hauteurs. L’ancien nom de Champagne, Grignartshausen, aurait très bien pu devenir Grignarmont en langue romane. Quoi qu’il en soit, ce Thiery, fondateur du village au haut-moyen-âge, semble aussi avoir imposé son nom aux Fagnes de Baugnez, appelées autrefois Thiryfagnes et au ruisseau qui en découle, le Thiérû qui apparaît parfois sous le nom de Thiryru.
Fagnoû, très fréquent en toponymie ardennaise, désigne un endroit marécageux, une petite fagne. De là vient le patronyme Fagnoul. Comme diminutif de fagne on dit aujourd’hui fagnelot.
On dit â Fagnoû et â Fisé, mais autrefois on disait toujours èzès Fagnoux, èzès Fisez.
En 1524, l’agglomération comptait onze foyers. A Thirimont : Rymé, Johan Bellebarbe, Lynar Johan Donny (venu de Libomont), Mathî, fillast Johan marques et Colla fillast pacquea le jœsne homme.
Fisez : la fille henry de fyses.
A Fagnoux : Johan pacquea, grigor, le fillast henry sens joys, bonhyver et un herdier qui garde les vaches dans la fagne. En tout 11 foyers.
En 1573, le nombre des foyers n’a pas augmenté, mais les noms ont changé : Johan betran, linar, belbare, heri linar betran, heri belbare, Colla Collien, Johan de Fissez, heri Johan Yde, heri pakea, Jaspar mochie (Moxhet), Johan lu liegeois et Gorre (Georges) Anton. Pour notre étude des noms et des familles, nous retiendrons Bertrand, Bellebarbe, le liégeois, Collienne et Paquay, ces deux derniers seuls, ayant survécu jusqu’aujourd’hui.
En 1621, nous trouvons quelques noms nouveaux, qui subsistent encore comme noms de maisons : Croupet, Lowy et Istace.
Les patronymes Servais, Huby, Noël et Hugo y sont aussi caractéristiques depuis plusieurs siècles.
La population a considérablement augmenté au tournant du XVIe siècle, car de 1573 à 1621, le nombre des foyers est monté de 11 à 19 et passe à 23 en 1670.
En 1743, il y a 38 ménages et en 1810, 42 répartis sur 40 maisons.
J’ai établi préçédemment, entre Ondenval et Thirimont, une comparaison que je vais continuer. Tandis que de 1743 à 1810, le nombre des habitants d’Ondenval a presque doublé, par l’afflux d’étrangers, à Thirimont, il est resté presque stationnaire.
Dans le val, il y a un grand écart de classes sociales : quatre maisons quasi patriciennes dont les tenanciers sont propriétaires d’une grande partie du fonds et une vingtaine de huttes presque sans un pied de terrain. A Thirimont, manquent ces deux extrêmes. Les 40 maisons se répartissent comme suit : 5 en 2e classe, 8 en 3e, 13 en 4e et 14 en Se. Les maisons classées en dernière catégorie sont toutes pourvues de 3 à 4 hectares.
La population, isolée de la grande circulation, est sédentaire, laborieuse, et s’adonne exclusivement à l’agriculture. Les gros blocs de schiste et d’arkose, qui recouvraient jadis les terrains incultes, se dressent en lignes et en murailles à la lisière des champs et le long des vieux chemins, comme témoins des durs labeurs des ancêtres. Il faut écouter dans le silence et le recueillement le récit que vous font du passé ces monuments moussus, pour comprendre le caractère un peu fermé et taciturne des habitants de Thirimont, qui ont conquis leurs prairies de haute lutte sur la nature hostile et revêche. Il n’est aucun village dans le canton de Malmédy et probablement bien au-delà, qui ait, pendant les années d’après la lère guerre mondiale, transformé en prairies et en bonnes terres, autant de bruyères, de sarts, de marécages et de déserts que le village de Thirimont. J’ai vu des vieillards, qui avaient le droit et les moyens de se reposer, mettre à ce travail une ardeur juvénile, comme s’ils devaient en jouir de longues années encore. Tandis que d’autres en riaient, j’admirais, non seulement un bel exemple d’endurance et de soumission à la loi universelle du travail, mais aussi cet amour, légué de père en fils, à l’instar d’un culte, pour le sol natal, arrosé de la sueur d’une lignée d’ancêtres et pour la glèbe, qui non seulement récompense le travail opiniâtre, en nourrissant l’humanité, mais aussi en accordant la satisfaction du devoir pleinement accompli.

Ondenval

Au temps où j’étais recteur à Ondenval, il était venu un conférencier pour intéresser les habitants des deux hameaux du rectorat à la formation d’un syndicat d’électricité. Retenu par mon service dominical, je n’avais pas assisté à la réunion de Thirimont, mais j’étais à celle d’Ondenval qui fut, comme d’habitude, bien fournie, bruyante et animée.
Après la conférence, l’orateur m’aborde et me dit en souriant : «Monsieur l’abbé, quelle différence, n’est-ce pas, entre Thirimont et Ondenval ! »
« Mais oui, lui dis-je, l’un est sur la hauteur et l’autre dans la vallée ».
«C’est entendu, mais je parle du caractère ».
J’avais bien saisi sa pensée, mais pour le faire parler, je feignis ne pas comprendre ce qu’il voulait dire.
« A Thirimont, reprit-il, la réunion était bien suivie, comme ici. Tout le monde a écouté avec une grande attention, un calme monastique et personne n’a levé la langue pour demander des explications, et quand il s’est agi de donner son adhésion au syndicat, personne ne savait se décider. Mais, ici à Ondenval, tout le monde veut prendre la parole, les uns en savent plus que les autres et c’est à qui sera le premier pour se faire inscrire. Tout le monde semble emballé pour l’idée que nous avons soulevée ».
Il n’est personne quelque peu en rapport avec ces deux villages qui n’ait fait la même constatation et qui ne se demande le pourquoi de cette si grande différence de caractère entre deux villages si rapprochés et qui de tout temps ont vécu dans la même atmosphère et les mêmes circonstances. Dans leur philosophie villageoise qui se concrétisait dans des anecdotes populaires, des dictons et des aphorismes savoureux, nos ancêtres ont déjà depuis combien de siècles buriné le caractère de nos hameaux par les devises des blasons villageois.
Les habitants de Thirimont sont habitués de s’entendre appeler les « mouhis » pour caractériser une certaine indolence ou nonchalance qui semble être la suite d’une vie calme et retirée et d’une certaine timidité naturelle. On les surnomme aussi les « tourneurs » pour exprimer la, même idée en se servant d’une particularité de leur dialecte commune avec celui de Ligneuville. Cela ne les empêche pas d’être des cultivateurs intelligents, laborieux et économes.
Quant aux habitants d’Ondenval, ils sont caractérisés par la devise :« èn Ondinvâ, les tchins vont d’hâ », les chiens courent pieds nus, mais comme c’est l’habitude un peu partout, il est probable que le dicton a substitué tchins à djins, car Ondenval était autrefois le grand refuge des mendiants et des petites gens.
Il est un fait certain que ce hameau a eu un développement fort différent des autres du ban de Waimes et je dirai même qu’il est unique à bien des lieues à la ronde.
Ils sont encore nombreux ceux qui ont connu cette mosaïque de huttes et de taudis qui se groupaient à l’ombre de quelques maisons plus cossues, ou sortaient de terre comme des champignons aux abords du village. Une trentaine de ces chaumières ont disparu au cours des deux dernières générations.
Dans un relevé fait vers 1810, les 75 habitants d’Ondenval sont classées en cinq catégories. Dans la première, il y en avait quatre : celles de Henri Lecoq (Léonard Lejoly?), Quirin Crasson (Jos. Steffens?) Saturnin Lamby (maison Crasson près de l’Eglise) et Léonard Dethier (café Crasson). C’étaient des maisons en pierres, à couverture d’ardoises, présentant un certain cachet de bien-être. Dans la deuxième catégorie, il y en avait sept et dix-neuf dans la troisième. La quatrième catégorie comprenait des taudis et des cabanes de premier ordre au nombre de vingt. Parmi celles-ci était rangé le presbytère, recouvert de chaume, dont les vieux ont connu la misère et le délabrement. Dans la 5e classe figuraient les 25 huttes proprement dites, dont la pluplart n’avaient pas un pouce de terrain à côté ou tout au plus quelques centiares qu’ils empiétaient sur la commune.
Suivant la tradition, il existait autrefois une loi ou une coutume, d’après laquelle on ne pouvait faire décamper du terrain communal celui qui, pendant le cours d’une nuit y avait élevé une hutte habitable. Il est probable que plusieurs cabanes devaient leur origine à cette tolérance.
Si Ligneuville a été le refuge des métèques de la haute société, comtes, écuyers, officiers, bourgeois, qui y ont apporté, sinon de l’argent au moins un bon ton, et furent les prédécesseurs des villégiaturistes de marque qui fréquentent les hôtels de ce village, Ondenval vit affluer les métèques de la basse pègre, roturiers et aventuriers, qui souvent n’avaient pas un blanc denier et prenaient la vie à la légère et du bon coté.
C’est surtout au XVIIIe siècle que se fait remarquer l’afflux des étrangers, dont certains n’ont fait que passer, tandis que d’autres s’y sont établis à demeure fixe et ont acquis droit de cité dans la commune.
Voici des noms que je relève à Ondenval entre 1770 et 1788 et probablement que j’en passe : Bonblet, Bodçon (de Bleialf), Delfauche, Dulin, Dehart, Floeck, Henkin, Monnon, Meurs, Wiaime, Boniface, Tabar, Rimé, Grillet, Bouvy, Counar, Orban, Vithen, Batha, Nivet, Lanuite, Lombard, Brissoux, Jor, Houssen, etc. On se croirait transporté dans quelque Babel inconnu. A côté de ces étrangers de passage, d’autres s’y sont installés à demeure, vers la même époque, en s’alliant à des familles sédentaires : Olier, Devosse, Barthélemy, Godefroid, Cappe, Lorcé, Livet, Steffens etc. La plupart venaient de l’ouest, c’est-à-dire de Belgique ou de France.
Ondenval était jadis situé à l’intersection de deux artères internationales, l’une venant de Liège par Malmédy, le grand stré, et se dirigeait vers le Rhin et la Moselle moyenne, l’autre courant du Nord au Sud, d’Aix à Luxembourg, en passant par Ovifat, Robertville, Bouhaimont : c’était l’antique via mansuerisca, citée dès 670.
Tout le  trafic et le commerce, tous les déplacements se faisaient autrefois par ces grands chemins, souvent les seuls praticables. Il passait forcément beaucoup de voyageurs à Ondenval, commerçants, voituriers, pèlerins, militaires, mendiants, aventuriers et vagabonds.
En 1510, Philippe de Vigneulles se rendant de Metz à Aix, y loge avec 16 compagnons à cheval. Dans la demande d’érection d’une chapelle, il est dit qu’elle serait d’une grande utilité pour les voyageurs de passage.
Autrefois vers les champs du Faye (sous le cimetière) il existait un guet permanent dénommé « la hourde des waiteurs » où les habitants du ban surveillaient continuellement les grands chemins du Waud et de Robrou, pour épier l’arrivée de militaires, tout comme aujourd’hui à certaines frontières. La proximité du Luxembourg, dont l’Amblève faisait la limite peut aussi avoir attiré certains éléments qui avaient tout intérêt à passer facilement d’un pays dans l’autre. Ces petites gens, qui vivaient en marge de la classe agricole avaient recours à toutes sortes d’expédients pour subvenir à leur entretien. La contrebande en nourrissait une partie, le braconnage et la pêche une autre et le reste fabriquait de petits objets de vannerie ou se livrait à la mendicité. Tout à proximité de taillis et de grands bois, à la frontière de deux pays, il était assez facile de se livrer au plaisir lucratif de la chasse clandestine, à une époque où le gibier abondait.
Les braconniers pouvaient facilement se dissimuler dans les grandes forêts, qui pour eux n’avaient aucun secret. La pêche en faisait vivre un grand nombre, pêche à la truite et surtout aux écrevisses. Les pêcheurs d’Ondenval étaient renommés. Leur champ d’action s’étendait jusque dans l’Eifel à « l’aiwe à l’Our », et plus loin, d’où ils rapportaient dans leurs hottes de grandes quantités d’écrevisses, dont ils faisaient des réserves dans des cages, aménagées dans le ruisseau du moulin. De là, ils les transportaient à Spa, à Liège et dans d’autres villes.

En hiver, ces aventuriers confectionnaient des balais (ramons et hovlettes) et des objets de vannerie, tels que mannes, paniers, claies (cleûsètes), etc. C’est surtout dans cet article qu’ils se spécialisaient d’où le nom de « cleûs’tis et cleuûs’tresses » à tous ces colporteurs des rives de l’Amblève. Dès les premiers beaux jours du printemps, ils se répandaient dans les villages environnants qu’ils approvisionnaient des produits de leur activité hivernale. En été, ils faisaient aussi le commerce de baies de genévriers (peûs d’pèket), qu’ils étaient allés cueillir dans la Schwartzvenn et jusque dans la vallée de l’Our. Autrefois, l’usage de ces baies était tellement répandu, pour la confection de remèdes familiers, que la cueillette en était réglée par la loi. En 1726, le Prince-Abbé renouvelle la défense de cueillir les  baies de génévrier avant le 15 août, et les délinquants seront punis une première fois d’une amende de cinq florins d’or et une deuxième fois de peine arbitraire. Les étrangers à la Principauté seront conduits dans la prison du château de Stavelot.
Parcourant continuellement le pays, pour faire leur petit commerce, transporter leurs marchandises à la hotte ou mendier, ces habitants d’Ondenval avaient acquis une allure dégagée qu’ils communiquaient à leurs concitoyens autochtones et sédentaires. Ils vivaient au jour le jour, sans souci du lendemain, et célébraient les fêtes comme elles venaient, suivant leurs moyens. La fête annuelle, la kermesse de juillet, était la grande attraction. Pour ce jour, tous les aventuriers étaient rentrés au foyer. Depuis des semaines et des mois, comme certains Malmédiens, avant le carnaval, ils avaient fait des économies sou par sou, achetant à crédit plutôt que d’entamer la réserve de la fête. Pendant trois jours, ils s’en donnaient à coeur joie jusqu’à épuiser le bas de laine. Au cabaret et à la maison, le peket était à l’honneur. Les invités devaient retourner avec un plumet sur l’oreille et un bon souvenir dans le coeur.
C’était en pleine fenaison, mais les trois quarts des habitants n’avaient pas de foin, ou avaient tôt fait de rentrer celui qui servait à nourrir leur chèvre. Beaucoup, en ces jours, dépensaient leurs économies de plusieurs mois. Quant aux fermiers, entraînés par la masse, ils auraient cru forfaire en s’occupant des travaux des champs.
Voilà l’origine de ce caractère des habitants d’Ondenval, déluré, léger, spirituel, généreux, bon enfant et sans-souci.
Les temps ont changé. Il n’est pas de village qui, en un demi-siècle, ait évolué comme Ondenval. Trente à quarante huttes et cabanes ont disparu et une des dernières, celle des « coutês » un taudis en torchis sans plancher ni pavement, comme la plupart de ces chaumières, a été mise par terre, peu de temps avant la dernière guerre. Sur leurs débris se sont élevés de belles et solides maisons en moëllons. La vie agricole a pris une plus grande importance, et, pour ne pas succomber à la tentation de laisser le foin à l’abandon, pendant les trois jours de fête, celleci a été remise après la fenaison.
Peut-être bien qu’aujourd’hui les lièvres n’ont pas encore le droit d’aller manger impunément les choux dans les jardins et que les truites ne se hasardent pas de s’endormir à la berge de l’Amblève, mais à Ondenval, comme ailleurs, on travaille régulièrement et le bien-être a fait place à une vie de privations et d’aventures. Toutefois le caractère primesautiers s’est maintenu: les habitants d’Ondenval sont gais, spirituels, dégourdis et sociables. Celui qui sait les manier, en fera ce qu’il voudra et il trouvera en eux des hommes de dévouement et de générosité.
Si les habitants d’Ondenval vivaient autrefois aux crochets du fisc, en exploitant les bois et les rivières, sans port d’armes ni permis de pêche, ils ont toujours eu la renommée de respecter la propriété privée.
A Ondenval, on peut laisser ses instruments de travail sur le terrain, après plusieurs jours on les retrouvera à la même place... mais le travail sera aussi resté au même point.
Je ne sais plus quel recteur, je crois que c’était M. Pesch, était parti pour huit jours. Entretemps le menuisier qui avait un travail à exécuter au presbytère, ignorant l’absence du recteur, se présente et trouve porte close, mais il voit la clef sur le châssis de la fenêtre. Il entre, fait son travail et remet la clef à sa place. Au retour du prêtre il lui reproche sa trop grande confiance.
«Oh, dit celui-ci, je connais mes gens, je sais qu’ils ne sont pas voleurs». Ils sont rares les curés qui pourraient rendre ce témoignage à leurs ouailles.
On dira peut-être que ces nombreuses huttes furent des foyers de microbes et d’infection. Erreur! On vivait vieux dans ces misérables cabanes, qui ont abrité des octogénaires, voire des nonagénaires, telle Anne dès gattes, et bien d’autres, et la race d’Ondenval n’est ni abâtardie ni dégénérée.
Après cette longue préface, j’aborde la chronique des familles, et l’histoire de quelques originaux qui furent nombreux à Ondenval.
Ainsi que nous l’avons déjà dit, à partir de 670 jusqu’au dixième siècle la frontière de la Principauté de Stavelot-Malmédy, était marquée par le ruisseau. Le hameau de la partie orientale était rattaché à Steinbach et s’appelait Nieder-Steinbach, nom que les villages allemands donnent encore à Ondenval. La partie occidentale était Ondénval, nom que les Wallons ont étendu au hameau de la rive gauche, après que la frontière eut été reportée vers l’Est, au cours du Xe siècle.
Ondenval, ou comme on disait autrefois Odinval et en wallon Odinvâ, doit être mis en relation avec le nom de lieu Odinge, qui désigne les prairies au-dessus du moulin, vers Remonval, Odenge ou Audenge, dérivant probablement d’une forme plus ancienne Aldingen (Aldringen-Audrenge) désignerait la propriété ou le séjour d’un « Alder » ou « Aldo », qui pourrait être considéré comme le fondateur du village, au moins pour autant qu’il lui aurait donné son nom. Plus tard, à l’époque de la romanisation, on y aura ajouté le second élément val, ce qui aura donné Audinval.

Dans un curieux ouvrage du colonel Van Den Bogaert sur les Sagas scandinaves, où la fantaisie joue le rôle prépondérant, l’auteur analysant une des sagas où Odin est en guerre avec les Svartr et les Ulfegex, situe le lieu de l’action sur les bords de l’Amblève. Les Svartr ou noi rauds habitaient du côté du village d’Amblève (les Turcs) et les Ulfega étaient installés au nord du côté de la Fagne (Ovifat = Ulfingen).
Odin y est tué, en 159 avant Jésus-Christ, et son nom est conservé dans Odinval, qui signifierait chute (val = Fall) ou meurtre d’Odin.
Dans le numéro du 1 er avril 1926, j’avais écrit dans la « Semaine de Malmédy », une facétie à ce sujet qu’il ne faut naturellement pas prendre au sérieux, pas plus que les rêveries de Van Den Bogaert.
Les manants d’Ondenval en 1524 sont au nombre de 12 : Johan Alar, Paquea, Addam, Renar, Marques, Colla, Winkin, Bodechon, Johan Lamby, Johan de Batty, Johan Lauret et Symon.
De tous ces noms, seuls Marquet, dont j’ai parlé au sujet de Remonval, et Lamby passeront à la postérité.
En 1621, le nombre des foyers est de 19. Deux nouveaux patronymes y apparaissent : ceux de Renard et de Melchior et, quelques années plus tard, vient s’ajouter Pierre Jost, l’ancêtre des Piette d’Ondenval.
En 1743, le nombre des ménages a doublé; il est monté à 36 et un demi-siècle après, il a de nouveau doublé. C’est donc dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que se fait surtout sentir l’afflux des étrangers et qu’il faut probablement situer l’origine des nombreuses cabanes disparues.
Contre 532 habitants à Waimes et Rue réunis, en 1835, Ondenval en comptait 484. C’est probablement le plus haut chiffre de population de ce hameau.
Le recensement de 1868 indique à Ondenval 95 habitations, avec une population de 460 âmes et à Waimes-Rue 109 maisons pour 578 habitants.
Avec la disparition d’un grand nombre de cabanes, la population d’Ondenval a baissé. Elle est descendue en 1920 à 531 habitants et le recensement de 1947 en signale 358.
J’ai déjà donné antérieurement l’origine des Xhayet, des Querinjean, des Grosjean, des Lecoq et des Crasson, venus d’Ovifat, Robertville, Bruyères et Champagne.
119. LES MEURTRES D’ONDENVAL
Il est plutôt rare qu’on retrouve des archives vivantes, il y a cinq siècles d’ici, aussi nous profiterons de l’aubaine pour esquisser un tableau de la vie à Ondenval, au sortir du moyen-âge.
Nous présentons le triste héros de l’aventure : Henry fils Martin Pirkin de Steinbach, habitant à Ondenval. Il appartenait, semble-t-il, à une famille étrangère, immigrée au pays et portant le surnom de Samray (art. 97). En 1547, Henry fils Henri Pirkin, dit Samray, de Steinbach, qui abandonne ses biens à Johan le gros varlet de Libomont, pour être entretenu, semble avoir une origine commune avec lui, peut être même est-il son fils.

En 1493, un meurtre fut commis dans le chemin d’Amblève à « Robru » sur la personne de Clais van Loux. Henry Pirkin en fut accusé. Le chef suprême de la police et de la justice était le Potestat Jehan de la Vaiz, un descendant des seigneurs de Waimes par la branche de la Vaulx-Renard. Le mayeur de Waimes, à cette époque était Thomas le mayeur, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises. Le potestat fit faire une enquête dans la commune de Waimes. Mais comme ledit Henry faisait « doubpte et mannache »(1), le mayeur de Waimes est requis de s’assurer de sa personne. Thomas le fit venir devant la cour et lui recommanda de se tenir bien tranquille, ce qu’il promit d’ailleurs, mais ne garda pas.
Tandis que l’enquête se poursuivait, deux sujets du ban d’Amblève, Piet de Myrfelt et un de ses voisins vinrent à passer par Ondenval, se rendant à Malmédy. Notre Henry Pirkin les attaqua sur le chemin et c’est à grand-peine qu’ils échappèrent sans blessures. A Malmédy, ils firent leurs dépositions et comme pièces à conviction ils montrèrent leurs bâtons taillardés (ketelyier = ketayé), au moyen d’un instrument tranchant. Ils se plaignirent aussi que ledit Pirkin les avait menacés de mettre le feu à leurs demeures, réclamant aide et protection, sur une séance des plaids généraux.
Comme Henry Pirkin n’obéissait pas au mayeur de Waimes, renouvelait quotidiennement ses menaces et commettait de nouvelles incartades, le Potestat voulut se saisir de sa personne. Il fit venir Godefroid de Bellevaux, mayeur de Malmédy, qu’il chargea de réunir dix à douze compagnons qui devaient le suivre comme officier hautain dans ses fonctions. Arrivés à Ondenval, ils entourent la maison Pirkin. Voyant qu’on voulait se saisir de lui, Henry se mit sur la défensive et finalement, il voulut prendre la fuite. A ce moment, il reçut une blessure d’un des compagnons du Potesta. Malheureusement, cette blesure était mortelle. Tout le corps expéditionnaire en fut «cordolant» (2).
Mais les amis de Pirkin, car Pirkin avait aussi des amis, lancèrent des menaces ouvertes contre les compagnons du Potestat. Celui-ci tint une séance en la haute cour de Malmédy en un jour de plaid et déclara publiquement qu’il prenait à sa charge la blessure mortelle de Pirkin et toutes les suites et en décharge absolument tous les compagnons de l’expédition et les amis de Henry qui l’avaient servi en qualité de haut officier, contre toute partie, pour le temps présent et futur.
Il vint faire la même déclaration à la cour de Waimes où elle fut aussi enregistrée.
Johan del Valz mourut entretemps en 1495 et Jehan de Rahier, mayeur de Rahier, lui succède en qualité de Potestat. Il prit résolument les responsabilités que son prédécesseur avait endossées, garantissant la pleine liberté des hommes de la suite et de tous ceux qui étaient intervenus dans cette affaire, priant les cours de justice de vouloir entériner ses déclarations.
Le nouveau Potestat apprit que les menaces proférées contre les membres de l’expédition par les amis de Henry Martin, circulaient de nouveau. Il donna l’ordre au mayeur de Waimes de demander à « hault vusse» (3), en présence de ladite justice de Waimes si quelqu’un voulait demander quoi que ce soit aux accompagnons et aux serviteurs de son prédécesseur qu’il vînt et fît sa « raenes et parolles » (4), car il voulait mettre son pied pour eux comme officier hautain. Avec cela, il prenait sur lui ladite offense, comme son prédécesseur l’avait fait. Il demanda que toutes ces déclarations fussent insérées dans les registres de la cour de justice de Waimes, ce qui lui fut concédé, moyennant payement des frais d’enregistrement.
(1) « Doubpte et manache ». Dans l’ancien français, doute signifie crainte. Ils inspiraient des craintes et proféraient des menaces.
(2) « Cordolans »: de cordolens, cordolium : crève-coeur. La lecture de ce mot n’est pas absolument sûre : on pourrait aussi voir le mot très dolans, ce qui reviendrait au même.
(3) «A hault vusse». Haust, étym. p. 272, veut dériver ce mot de l’all. Weise, mélodie, contre l’opinion de l’abbé Bastin qui y voyait le mot fr. voix. En tout cas, dans l’exemple présent il ne s’agit pas de mélodie, mais de voix. C’est à haute et intelligible voix que le mayeur doit faire la déclaration pour que personne n’en excipe. Quand quelqu’un pleure à « haute vûse », on ne peut parler d’ironie, mais bien de réalité.
(4) « Raenes », raine de « rationem », c’est la raison, la justice, le plaidoyer, le procès. De là le wallon rène et rener qui s’est dépouillé du sens primitif de procès pour en conserver les conséquences. Rèner, c’est ne pas dormir, avoir des soucis, des insomnies, des dérangements de toutes sortes. L’idée fondamentale de rener est de manquer de repos par suite de tracas et de soucis. Cette acception du mot étant perdue à Liège, nous comprenons que Haust, D.L. Ait versé dans une erreur, en le dérivant de l’allemand rennen.
En est-il un qui ait plus d’insomnie que celui qui procède? A chaque page de nos vieilles archives, nous retrouvons raenes et raener pour procès et procéder. Le sens primitif, plaider, a disparu et le secondaire, se tracasser, est resté.
Pendant les guerres, on a souvent entendu le terme de marine : arraisonner un bateau pour le fouiller. C’est notre wallon arêner qui ne signifie pas acoster ou aparler mais plutôt demander compte ou raison.
Haust s’est laissé influencer par renant djwi qu’il calque sur juif, errant, en donnant, à errer, le sens de courir, qu’il n’a pas. Errer c’est aller çà et là à l’aventure, changer ses projets.
Le juif errant n’est autre qu’une image du peuple juif, qui, depuis la mort du Christ, se réfugie un peu partout, prêt à quitter le lendemain si le terrain lui paraît peu sûr. Aura-t-il trouvé le repos en Palestine ?
De toutes les appellations qui sont données à ce malheureux juif, ewig, wandering, errant, etc, c’est le wallon qui, tout indépendamment du français, lui a donné à la fois l’expression la plus juste et la plus forte : la rènant djui, c’est le juif qui a perdu son procès par la Résurrection du Christ et qui ne connaîtra de repos que quand il aura avoué ses torts.

Origine et Histoire de nos Vieilles Familles (1988)